Après des décennies d’anonymat relatif, de méconnaissance physiopathogénique et de prise en charge souvent incertaine, l’endométriose connait depuis ces dernières années un emballement médiatique dont il faut globalement se réjouir… encore que…
Les Sociétés Savantes dont le nombre ne cesse de croitre, jamais avares de Recommandations Officielles communiquent toujours plus largement à ce propos, ce dont on ne peut que les féliciter. A tous les niveaux du territoire, des groupes de réflexion spécifiques à cette maladie se multiplient d’année en année.
Et pourtant… Sur un sujet aussi essentiel que l’infertilité dont on sait la fréquence de l’association à l’endométriose, le consensus est loin d’être établi sur des lignes de conduites précises obtenant l’assentiment de tous les praticiens quelle que soit leur appartenance d’origine, fivistes d’un côté ou coelio chirurgiens de l’autre. (1)
Indiscutablement la part prise par l’AMP dans la prise en charge de ces patientes infertiles et endométriosiques est aujourd’hui prépondérante pour ne pas dire majoritaire. Cette évolution est légitime et nul ne saurait en contester le bien-fondé. Encore faut- il toutefois faire remarquer qu’une divergence de vue existe entre ceux qui font de l’endométriose une indication de la FIV au même titre que toutes les autres en terme de résultats et d’autres qui s’appuyant sur les méta analyses de Barnhardt (2002) et Haab (2013) soulignent qu’il existe un déficit relatif mais indiscutable de performance en défaveur de l’endométriose. Ce point de détail ne doit pas masquer l’essentiel : l’AMP de type FIV ou ICSI est pour bien des patientes atteintes d’endométriose la solution légitime à leur désir contrarié de grossesse.
Faut-il pour autant pousser le raisonnement à l’extrême et suivre certains avis qui laisseraient penser à l’obsolescence voire au caractère néfaste de la prise en charge coelio chirurgicale des endométriosiques infertiles ? A ceux qui pourraient le penser un certain nombre de réponses peuvent être apportées dans le cadre de ce qui peut être considéré comme un véritable plaidoyer pour la coelioscopie.
Sans remonter jusqu’à la nuit des temps il semble utile de rappeler l’étude Endocan publiée en 1997 à l’initiative de Maheux et Marcoux prouvant l’intérêt certes relatif d’un nettoyage coelioscopique débarrassant l’espace pelvien de lésions purement péritonéales sans aucun obstacle mécanique à la fécondation. Aujourd’hui ce résultat que l’on peinait à expliquer trouverait d’autres justifications à la lueur de données physiopathologiques d’acquisition récente concernant l’aptitude endométriale réceptivité implantatoire de l’utérus des endométriosiques (2).
Dans le cadre spécifique de l’endométriose profonde associée à l’infertilité, il n’y aurait aucune sens à étendre les indications d’une chirurgie extensive et mutilante multipliant les exérèses colo rectales dont on sait les contraintes post opératoires et les risques relatifs de complication. Il faut toutefois rappeler que la fertilité spontanée des patientes porteuses de telles lésions peut être estimée à 10% en dehors de toute intervention et qu’elle s’élève à 30% après celle-ci (3). Si l’exérèse de ces lésions profondes ne dois pas être proposée dans le seul but d’améliorer le résultat de la FIV, elle peut être envisagée dans un contexte d’échecs répétitifs de celle-ci sur l’avis nécessaire d’une concertation médico chirurgicale obtenue par le biais d’une RCP spécifique (Recos HAS CNGOF 2018) (4).
Sur un autre plan il est un domaine spécifique de l’endométriose où le coelio chirurgien doit reconnaitre des critiques légitimes liées à un risque opératoire délétère identifié au fil des années. L’ablation par kystectomie intra péritonéale des endométriomes, cheval de bataille de l’école clermontoise à la fin du précédent millénaire est aujourd’hui sérieusement remise en question. Ses fréquents effets adverses sur la réserve ovarienne sont aujourd’hui parfaitement identifiés et incitent à la plus grande prudence vis-à-vis d’un geste qui a été longtemps la référence indiscutée.
Ainsi l’ablation coelioscopique conventionnelle des parois kystiques endométriosiques est-elle aujourd’hui déconseillée voire même proscrite dans toutes les circonstances à haut risque que représentent les localisations ovariennes bilatérales, les gestes de seconde intention concernant des situations de récidives après une première kystectomie, les endométriomes de gros volume et, enfin les circonstances où l’AMH évaluée avant l’intervention identifie un déficit préexistant quelle que soit sa cause.
Certes il est vrai que les alternatives à la kystectomie coelioscopique classique ne sont pas à l’heure actuelle parfaitement évaluées. Le plasmajet en dehors de quelques rares centres experts rompus à sa pratique tarde à s’imposer. La sclérothérapie à l’éthanol, certainement intéressante sur le plan du principe, attend encore des études collaboratives prospectives et comparatives pour affirmer sa pertinence (5).
Ainsi donc à ce jour l’endométriome ovarien est un sujet sur lequel il faut observer une grande prudence en ce qui concerne son abord coelioscopique.
On sait le double impact de l’endométriose sur le plan de la fertilité certes mais aussi pour nombre de patientes sur leur qualité de vie au quotidien du fait du syndrome pelvi algique majeur que certaines présentent. Il est habituel de poser aux patientes à la fois infertiles et algiques la question de leur priorité en terme de résultats. La réponse conventionnelle, politiquement correcte, est souvent à la grossesse. Mais tout à ses limites ! L’AMP n’ayant à l’évidence aucune prétention à traiter la composante algique de l’endométriose, la coeliochirurgie trouve bien évidemment dans ce contexte précis une place de première intention dans le strict respect des recommandations de l’ESHRE et du CNGOF à certaines réserves toutefois. Ces gestes souvent complexes doivent être impérativement confiés à des centres experts disposant d’une approche multidisciplinaire (chirurgie viscérale et urologique). De plus lorsque le traitement chirurgical est décidé dans le cadre impératif d’une décision validée par l’avis d’une RCP, il est essentiel de faire une résection des lésions pelviennes (voire abdominales) aussi complète que possible. On retrouve ici les principes qui ont guidé l’évolution de la prise en charge du cancer de l’ovaire vers l’obligation d’une réduction (sub) optimale des foyers lésionnels. Lorsque l’altération majeure de la qualité de vie (sexualité, troubles digestifs, pelvi algie permanente) est en échec des traitements médicaux, il faut donc parfois savoir laisser au second plan la prise en charge de la fertilité pour recourir à la chirurgie de première intention aussi extensive puisse-t-elle être…
Les problèmes posés par la relation entre l’infertilité et les lésions profondes de l’endométriose à tropisme colo rectal ont été précédemment évoqués. Il faut toutefois y revenir à la lueur des publications récentes concernant la priorité qu’il faut accorder à l’AMP ou à la chirurgie dans un contexte encore incertain. Il n’est pas question de revenir sur la place certaine et importante de l’AMP précédemment soulignée. Toutefois plusieurs publications récentes confirment l’opinion que Bianchi avait émis dès 2009 c’est à dire le bénéfice que l’AMP pourrait trouver dans une chirurgie de première intention, ainsi la publication de S. Bendifallah, H. Roman et E. Darai (6) confirmée en 2021 par le travail de M. E Robino (7). Une très intéressante étude prospective et randomisée a été mise en place à Lille par Pierre Collinet (PHRC Endofert) comparant la FIV en première intention à la chirurgie pré FIV. Elle arrive prochainement au terme de sa période d’inclusion et répondra, faut-il l’espérer, à l’impression qu’ont les coelio chirurgiens, d’une optimisation par le biais de la chirurgie préalable des résultats de la FIV en terme de grossesses et de naissances.
Il faut également souligner que dans le cadre d’une action synergique, la chirurgie pré FIV peut améliorer l’accès à la ponction ovocytaire de certains ovaires inaccessibles à la ponction de première intention. Elle permet certaines salpingectomies souhaitables (hydrosalpinx) avant transfert embryonnaire. Enfin elle pourrait limiter le risque de progression des lésions endométriosiques liées à la stimulation ovarienne qui, sans être importante, ne peut être totalement écartée (8). Faut-il toutefois répéter combien cette chirurgie complexe et se devant d’être optimale doit être confiée à des centres experts si l’on veut espérer une morbidité faible et des résultats fonctionnels durables.
Ainsi donc et sans vouloir aucunement contester à la place logique de l’AMP dans le contexte de l’infertilité liée à l’endométriose, il faut redonner à la coelioscopie la place qu’elle mérite dans un contexte où plus qu’un affrontement avec l’AMP c’est l’idée d’une synergie d’action qu’il convient de défendre.
L’algorithme proposé par l’étude prospective Endofert (Pierre Collinet CHRU Lille) semble malgré la difficulté des paramètres à prendre en compte, particulièrement bien construit et raisonnable. Il mérite à mon sens de conclure cette tribune (Figure 1).
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article.
RÉFÉRENCES
1 : Ovarian endometriosis and infertility : in vitro fertilization (IVF) or surgery as the first approach? Bruce A. lessey et al Fertility and Sterility. Vol 110. N°7. December 2018
2 : Endometrial receptivity in eutopic endometrium of women with endometriosis it is affected, let me show you why. Bruce A. Lessey et al Fertil Steril 2017 July; 108 (1): 19-27
3 : spontaneous fertility after colorectal surgery for endometriosis in patients with proved infertility. Colorectal endometriosis and fertility. Bendifallah et al European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology 209 (2017) 86-94
4 : Pregnancy rates after surgical treatment of deep infiltrating endometriosis in infertile patients with at least 2 previous in vitro fertilization of intracytoplasmic sperm injection failures.
The Journal of Minimally Invasive Gynecology. 2020 Pauline Breteau, H. Roman et al
5 : Sclerotherapy in the management of ovarian endometrioma: systematic review and meta-analysis. Aviad Cohen et al Fertility and Sterility Vol 108, N°1, July 2017
6 : Colorectal endometriosis-associated infertility: should surgery precede ART ? Sofiane Bendifallah, Emile Darai et al Fertility and Sterility 2020
7 : Endometriosis-related infertility: does surgery improve IVF outcomes? A single-center observational retrospective analysis. Maria Elena Rosa Obino et al Gynecological and Reproductive endocrinology and metabolism 2021; 2(1): 46-53
8 : Ovarian stimulation and endometriosis progression or recurrence: a systematic review. Edgardo Somigliana et al Reprod Biomed Online. 2019 Feb; 38 (2): 185-194.
Patrick Madelenat,
Paris, 75008
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