La plaisanterie dit que les gaulois puis les Français ont choisi comme animal emblématique le Coq car il s’agit du seul animal capable de chanter lorsqu’il a les deux pieds dans le purin !
Je ne traiterai ici, ni du purin, ni de son origine, ni de son niveau… bien ce ne soit pas l’envie qui me manque. En revanche, dans le domaine de l’endocrinologie de la reproduction, je vous confirme à la lumière de deux publications majeures publiées en langue anglaise en juin 2022 que ce Coq arrogant a toutes raisons de chanter et chantera encore longtemps.
Parmi les deux plus grandes inventions du siècle dernier pour les femmes du monde entier figurent la contraception hormonale et le traitement hormonal de la ménopause.
Ces deux immenses progrès ont, après un retentissement gigantesque, été malmenés par des publications anglo-saxonnes jusqu’à en remettre en cause l’utilisation même.
La contraception hormonale a été l’objet d’une polémique qui en a terni l’image.
CF. « l’affaire des pilules de 3ème et 4éme génération ». Cette remise en cause liée au risque thromboembolique veineux (TEV), ces critiques incessantes sur les modifications de l’humeur, la libido et son aspect non naturel ont amené une baisse de 12% des ventes de contraceptifs hormonaux par an dans le monde. Rien ne permet aujourd’hui de confirmer les modifications de l’humeur et la libido en s’appuyant sur des travaux scientifiques crédibles. Quant à l’aspect « naturel « rappelons » que ce qui est naturel pour une femme, c’est d’avoir 10 enfants avec la première grossesse avant 20 ans. Rappelons aussi que la contraception hormonale s’est inspirée d’un phénomène naturel, l’ovulation, puisqu’après celle-ci la sécrétion de progestérone rend la glaire inhospitalière aux spermatozoïdes, l’endomètre ne permet plus la nidation et qu’il bloque l’ovulation par le ralentissement de la pulsatilité de de la LH. Il s’agit là des modes d’action des contraceptifs hormonaux mimant la nature.
Mais revenons sur le risque thromboembolique TEV lié aux oestroprogestatifs CEP. Il est indéniable mais très rare, pour peu que l’on respecte les bonnes règles de prescription, avec de 2 à 4 cas de phlébites pour 10 000 utilisatrices par an. Ce risque est très nettement inférieur aux risques liés à la grossesse et à l’IVG en cas de non-utilisation de contraception.
Le grand risque de la pilule est sa non-utilisation. Nous ne reviendrons pas non plus sur la comparaison des risques et avantages des générations de pilules entre elles, et le rapport bénéfice/risque induit par le risque intrinsèque, la persistance et la prise de compte du terrain. Le risque intrinsèque de TEV est dépendant de la dose d’éthynil estradiol et du rapport estro-androgénique hépatique induit par l’androgénicité du progestatif. Ce rapport est évalué par le taux de la SHBG induit par le contraceptif combiné.
Pourquoi ce cocorico ?
Parce que la première conception d’un estroprogestatif contenant un estrogène bio identique l’estradiol a été conçu par un français, votre serviteur, menant à la mise sur le marché de deux contraceptifs combinés Qlaira® et Zoely®. Malheureusement le Coq français aime à avoir les pieds dans le purin puisqu’au nom du sacrosaint et plus que discutable principe de précaution une ministre de la santé avait classé ces contraceptifs dans une catégorie à quasi bannir.
Heureusement nos voisins européens ont continué les recherches en écartant les français puisque deux PASS study (études post AMM de pharmacovigilance) ont confirmé que ces contraceptifs n’avait pas un risque de TEV supérieur au secondes générations.
Mais la cerise sur le gâteau vient d’une très grande étude finlandaise (Heikinheimo Act Obstet Gynecol Scand 2022) portant sur 1 334 cas de thrombose veineuse sous CEP comparés à 4 témoins par cas) retrouve bien le risque de TEV avec les contraceptifs combinés 2,2 (1,82-2,65) pour les pilule à l’EE² et seulement 0,87 (0,38-1,98) pour Zoely® et 1,27(0,51-3,17) pour Qlaira®.
Ainsi cette étude ne met plus en évidence ce sur risque de TEV avec l’estradiol. Cocorico !
Signalons aussi l’arrivé sur le marché d’une nouvelle pilule avec un autre estrogène naturel l’estétrol qui lui non plus n’élève pas la SHBG.
Ainsi le seul risque préoccupant de l’utilisation des estroprogestatifs est en passe d’être fortement annihilé.
Second cocorico
Le THM après avoir bénéficié d’un engouement majeur a été tué en plein vol par la tristement fameuse étude WHI. Il serait trop long de détailler les reproches fait alors au THM : risques coronariens, risque de thromboses veineuses et d’embolies pulmonaires, risques d’accidents vasculaires cérébraux et surtout risque de cancer du sein.
Le risque coronarien semble être lié au début tardif du THM plus de 10 ans après la ménopause.
Pour les autres risques, des voix françaises peu écoutées alors dans le monde anglo-saxon apportaient des réponses dont la véracité a éclaté.
Le professeur Jayle avait il y a fort longtemps imaginé que les risques de TEV et embolies pulmonaires étaient liés à la voie d’administration de l’estradiol entrainant un effet de premier passage hépatique. Ceci a été depuis largement confirmé par plusieurs études françaises (Scarabin) Ainsi exit le risque de thromboses veineuses par l’utilisation de l’estradiol bio identique dit on maintenant aux USA.
Pour le risque d’AVC deux études l’une anglaise (Renoux 2010), l’autre française (Canonico 2016) ne trouvent pas de surrisque lors de l’utilisation de l’estradiol cutané et la progestérone naturelle encore deux idées françaises !
Restait le très redouté risque de cancer du sein. Dès 2007 Fournier ne trouvait pas d’augmentation des cancers du sein si l’on utilisait la progestérone plutôt que les progestatifs dans les THM. La confirmation vient de tomber (Abenhaim Obstet Gynecol 2022) étude portant sur 43 183 cas de cancer du sein appariés à 431 830 témoins.
Le risque de cancer du sein avec estrogènes seuls OR 1,04 (1-1,09), avec progestatifs artificiels 1,28 (1,22-1,35) avec la progestérone naturelle 0,99 (0,55-1,79) Ainsi l’adjonction de progestérone et de retro progestérone ne provoque pas de surrisque de cancer du sein lors du THM.
Une explication avancée à cette bonne nouvelle serait que c’est l’insulino résistance induite par les progestatifs qui serait responsable d’un effet promoteur sur le cancer du sein (Jamin 2010).
Coq français continue ton chant qui dérange si souvent. Oppenheimer disait que les grandes découvertes étonnent puis irritent puis sont banalisées, voilà qui doit te consoler de là où tu as les pieds !
L’auteur déclare les liens d’intérêts suivants : Orateur ponctuel pour Gédéon Richter, Besins, CCD, Theramex
Christian Jamin,
Paris, 75008
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