L’émancipation des femmes
« On ne naît pas femme on le devient », vous connaissez sans doute cette formule de Simone de Beauvoir. Certes, il est nécessaire de se construire en tant que femme, je dirai plutôt de se réaliser. Les hommes doivent aussi se mettre au monde pour exister tel qu’ils le veulent et ce quelle que soit l’époque. Toutefois, les femmes sont encore enfermées dans des schémas d’antan.
Je vous propose donc de vous raconter l’émancipation des femmes. Commençons par un peu d’histoire, ensuite, je me baserai sur mon expérience de radio puisque je les écoute depuis maintenant 20 ans. Si je fais un rapide calcul, j’ai dû entendre pas loin de 15 000 auditrices. Sans oublier toutes les femmes que je côtoie dans la vie courante… J’éviterai d’aborder d’autres pays où malheureusement les femmes restent encore emprisonnées dans des systèmes archaïques. La liberté des femmes est toujours en corrélation avec la liberté d’une société.
Longtemps, la femme a été enfermée, non pas dans des prisons mais dans son corps à cause des grossesses multiples qui l’obligeaient à rester sur place d’où cette expression : la femme au foyer. Cette immobilisation les empêchait de participer à la vie sociale. Ensuite, l’agriculture a accentué cela et la sédentarité a développé la notion de possession. La femme appartenait à son père, puis à son mari. Bien sûr il y a eu des femmes libres mais, ce furent des exceptions. Faut-il pour autant en déduire que toutes les femmes ont subi des existences terribles. Certainement pas. Bien des hommes respectaient leur épouse et encore plus leur mère.
Le patriarcat si décrié aujourd’hui fut un système instauré pour la survie de l’espèce. Les hommes en ont aussi payé le prix, durant la guerre 14/18 il valait sans nul doute mieux être une femme ! Et durant des siècles, il y avait un leitmotiv les femmes et les enfants d’abord !
Malgré tout, à part quelques riches héritières ou veuves, (d’ailleurs durant la royauté, les jeunes veuves bénéficient déjà d’une certaine autonomie) les femmes n’ayant aucune ressource financière, étaient obligées de trouver un époux pour subvenir à leurs existences. D’ailleurs lorsque vous lisez les annonces du chasseur français des années 1950, la demande des femmes est claire ; elles cherchent un homme qui gagne bien sa vie et qui lui offre « les cordons de la bourse ». Terme on ne peut plus explicite.
La première émancipation des femmes eut lieu durant la révolution mais Napoléon s’empressa de remettre les choses à leur place.
C’est en 1850 que les premières écoles pour filles se développent. Cela montre bien que l’éducation scolaire des filles est assez récente.
Les premières grandes avancées féministes eurent lieu durant le siècle des lumières.
Mais le vrai déclic s’est passé pendant la première guerre mondiale. Durant ces quatre années, les femmes découvrirent qu’elles pouvaient vivre sans hommes : travailler et obtenir une certaine indépendance.
Entre les deux guerres, le mouvement des suffragettes venu de Grande Bretagne marque un tournant. Pour la première fois, on assiste à des manifestations féminines. En 1927, on comptait 350 000 suffragettes françaises. Parallèlement, en URSS, les militantes communistes font également avancer l’égalité entre les hommes et les femmes.
En France, le droit de vote est accordé aux femmes en 1945. Enfin en 1967 : le droit d’avoir un compte en banque sans avoir à demander l’autorisation à leur époux.
Ensuite dans les années 60 arrivent le MLF et la création du planning familial. C’est aux USA qu’il a été créé en 1916 mais il arrive en France seulement en juin 1960.
Auparavant, il y avait la maternité heureuse crée en 1956 par des jeunes femmes protestantes. Cette association avait été mise en place notamment pour lutter contre les nombreux avortements clandestins. Le planning familial lui a pour but de développer l’éducation sexuelle avec notamment une mise en place de la contraception. Evelyne SULLEROT et Pierre SIMON furent les principaux acteurs de ce mouvement qui a révolutionné la sexualité féminine.
En 1967, la pilule est mise sur le marché français grâce au député Lucien NEUWIRTH et c’est en 1975 qu’est voté le droit à l’IVG. La loi défendue âprement par Simone VEIL était loin de faire l’unanimité, elle est d’ailleurs encore contestée par certains courants religieux.
De nombreuses avancées sociales comme l’égalité des salaires ont eu lieu même si tout n’est pas encore tout à fait au point.
En fait, le féminisme des années 60 revendiquait le droit du corps avec bien sûr la notion de : « un enfant quand je veux » mais il impliquait aussi la liberté sexuelle des femmes. Ce qui était encore bien plus compliqué qu’on ne l’imagine car à l’époque la morale religieuse s’imposait en France. Entre 1960 et 1980 peu de femmes encore avaient conscience de leurs droits même si de nombreux éléments faisaient bouger les mentalités.
Comme toujours le domaine artistique traduisait ces libertés nouvelles pour les femmes. Citons par exemple Brigitte Bardot qui fi t scandale dans le fi lm « Et DIEU créa la femme ». Elle incarnait une jeune femme libre dans son corps.
Le film « les valseuses » aborde la jouissance d’une jeune femme. Ou encore la chanson de Jean Jacques Goldman « Elle a fait un bébé toute seule » En parallèle en 1984, Cookie DINGLER chante : « être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile … »
En même temps, le cinéma pornographique a montré des femmes réclamant leur plaisir sauf que les films se voyaient uniquement dans les salles et peu de femmes y allaient. Ce n’est qu’avec l’arrivée de la vidéo que le porno a été vraiment accessible aux femmes. Canal Plus diffuse le premier film porno en 1985.
Le féminisme avait compris que la liberté des femmes devait avant tout passer par la sphère privée lieu de la domination masculine.
Pourtant « le devoir conjugal » symbole justement de cette domination est une expression encore entendue aujourd’hui dans les cabinets de sexologie. Tout comme « coiffer sainte Catherine » (c’est-à-dire ne pas être mariée après 25 ans) était encore mal vu pour de nombreuses jeunes femmes dans ces années 1980/85!
La liberté d’une femme passe certes par l’autonomie fi nancière mais également par une autonomie personnelle et donc sexuelle.
Les femmes sont d’abord des filles à qui on dit encore trop souvent ton vagin sert à faire des bébés. Elles doivent plaire. Sans aller jusqu’à la maxime «Sois belle et tais toi. » Trop de femmes se sentent encore en manque de quelque chose et ont tendance à compenser par des artifices de beauté. L’expression très souvent prononcée par la gent féminine : « Je n’ai rien à me mettre » résonne en écho à ce manque.
Le féminisme a toujours véhiculé des courants opposés, par exemple lors de la loi sur la pénalisation des clients des prostituées (votée en avril 2016), certaines féministes dont je faisais partie revendiquait le droit d’utiliser son corps comme bon nous semble tandis que d’autres, plutôt majoritaires considéraient que la prostitution était une sorte d’esclavage instauré par l’homme.
Me too marque un tournant décisif fin 2017 avec l’affaire Weinstein.
Le féminisme aujourd’hui est différent, il a oublié les combats de ses ainées et ses excès sont de plus en plus fréquents. L’écoféminisme est sans doute le plus extrême avec un rejet total de la pilule, un sentiment d’injustice à subir les règles ou à devoir porter les enfants. L’ode au clitoris invite à renoncer à la pénétration durant les rapports sexuels, etc…
Alice Coffin déclare : « Je ne lirai plus de livres écrits par des hommes »
Allant jusqu’à considérer que seule la femme est naturelle. Un monde sans femmes sûrement pas mais un monde sans hommes pourquoi pas
L’influence de la culture musulmane a joué son rôle en remettant un voile sur le corps des femmes : plus de seins nus sur les plages mais des visages voilés.
Les femmes malgré de nombreuses avancées veulent une autre révolution. Leur combat s’apparente à une chasse aux sorciers. Plus question de couper les têtes mais les couilles ! On balance au moindre pas de côté. A tel point que les hommes ne savent plus sur quel pied danser.
Filles soumises, mères ou femmes toutes puissantes… reste à trouver le juste milieu. Pour l’instant de nombreuses femmes aussi ne savent plus comment se positionner.
Permettez-moi de vous parler de mon parcours, tout simplement parce que mon histoire illustre bien l’évolution profonde du féminisme. Au début des années 80, les femmes et particulièrement les féministes, ne m’aimaient pas. J’étais l’image même de la femme objet au service du mâle.
40 ans plus tard, les femmes me prennent comme exemple, certaines féministes considèrent que je suis une de celle qui a montré que la femme pouvait vivre sa sexualité comme elle l’entend. Je représente une certaine liberté de la femme.
En effet, les femmes libres se sentent puissantes et cette liberté passe d’abord et avant tout par le corps. Mais, un corps féminin, un corps qui aime ses rondeurs, ses cycles, ses humeurs. Or de nombreuses femmes sont mal dans leur corps et leur mal-être se reporte sur le mâle.
En à peine 50 ans, la femme a totalement changé de discours. Plus question de trouver un bon parti, elle revendique son droit au plaisir. A tel point qu’il passe même avant celui de son partenaire. Toute la presse féminine de ces dernières années et particulièrement à la période de l’été font leur « une » sur ce thème : « le sexe on peut toujours faire des progrès » « échangisme la dernière aventure sexuelle » « fantasmes, celles qui vont jusqu’au bout »
Les sites de rencontre sont maintenant un terrain de chasse pour bon nombre de femmes et la vente de jouets intimes ne cesse de s’accroître.
Les moyens de contraception, le droit au travail et leur émancipation les voilà en égalité. Mais elles semblent avoir encore une revanche à prendre.
A cela s’ajoute les progrès technologiques qui n’usent plus le corps des femmes ; sans aller jusqu’à dire que les inventeurs de la machine à laver ont fait plus pour la libération de la femme que Simone de Beauvoir. Les avancées médicales contribuent également à une amélioration de la vie des femmes. D’ailleurs les femmes vieillissent mieux, moins de grossesses, des soins plus adaptés, des traitements après la ménopause, une chirurgie esthétique au cas par cas.
Déjà fin 1990, un sondage annonçait que 82 % des femmes, toute génération confondue, pensent pouvoir réussir leur vie sans vivre en couple mais ne sauraient pas se passer d’un métier.
En 1995, 34 % des femmes affirment pouvoir aimer sans pour autant rester fidèles. Bref, elles veulent exister pour elles-mêmes.
L’homme n’est plus indispensable, c’est un tournant historique fondamental…
Là encore l’art symboliquement nous le prouve. En 1999 sort le fi lm Romance avec Rocco Siffredi et ce sont les femmes qui ont emmené leur compagnon pour aller le voir. Le symbole est éloquent : Amoureuse de l’homme mou mais désirant l’homme dur. A la fi n du film, le géniteur meurt d’un accident ménager alors que l’héroïne est en train d’accoucher. A quoi pourrait bien servir un homme une fois que l’enfant est là.
En 20 ans d’émission, je vois les couples se séparer de plus en plus tôt, avec des enfants de plus en plus en bas âge. Alors qu’on sait à quel point la séparation des parents est toujours déstabilisante pour un tout petit d’autant plus qu’il se retrouve souvent dans l’enjeu du divorce.
La femme a dû, durant des siècles se positionner entre l’archétype de la mère et de celui de la putain. La voilà aujourd’hui dans un troisième rôle, celui de la femme dure, indépendante. Celle qui n’a plus besoin d’un homme.
En 2015 une enquête annonçait : la femme préfère son jouet intime à un homme !
Après la peur de tomber enceinte, la peur du sida, place à la peur de l’autre mais au fond, la peur de l’autre n’est-elle pas la peur de soi-même ?
« L’homme mou dixit Elisabeth Badinter est un homme qui a renoncé à son pouvoir de son plein gré, il a abdiqué sa tendance à l’agressivité et à son ambition de carrière. Il est favorable à l’égalité hommes femmes dans tous les domaines. »
Les hommes sont de plus en plus représentés sous 3 catégories :
- A consommer : s’en servir sexuellement
- A instrumentaliser : à s’en servir autrement
- A disqualifier : à s’en moquer
Voilà comment sont traités les hommes dans bon nombre de magazines féminins, jamais dans un magazine masculin on a traité les femmes de cette manière. Au premier degré avec tant de cynisme.
Pourtant je les entends ces femmes et au fond, elles n’ont pas tant changé par rapport au siècle dernier. Leurs complexes sont toujours présents, 70 % d’entre elles n’aiment pas leur corps. Plus de la moitié d’entre elles ont des douleurs lors des rapports sexuels, sans oublier les douleurs des règles, des épisiotomies mal faites, de vaginisme, des cystites à répétition.
Or, leur liberté ne pourra passer que par des corps aimés, respectés et qui fonctionnent bien.
Pour moi, la réconciliation passera par une meilleure acceptation d’être femme. Les mères ont un rôle essentiel mais aussi les pères. Bien sûr la lutte contre les abus doit continuer. Les femmes doivent apprendre à se respecter, à dire non plutôt qu’à vouloir toujours satisfaire celui qu’elles aiment. Enfin, elles doivent mieux connaître leur sexe. Le mot vagin reste encore tabou, la vulve, le clitoris, le point G, la connaissance plus précise de l’anatomie de leur organe sexuel, tout cela reste vague pour bon nombre d’entre elles.
Ne pas pouvoir mettre un mot sur une chose la rend insignifiante, mystérieuse voire même dangereuse. Combien de femmes ne parviennent pas à visualiser leur sexe, combien n’osent pas lui prodiguer la toilette intime adaptée, ni trop superficielle, ni trop intrusive.
Elles ont entre les cuisses…. Un trou, un puits sans fond !
Pas étonnant que tant de femmes souffrent au moment de la pénétration, sans aller jusqu’au vaginisme, combien se ferment au moment où elles devraient s’ouvrir. Pourtant, nos émois sexuels sont au creux de notre ventre.
J’encourage tous les jours les femmes à aller à leur rencontre afin de devenir sujet de leur désir et de leur plaisir. A se vivre de l’intérieur et non pas à attendre de l’extérieur une validation de leur féminité…
Il est plus que temps de rétablir la communication entre les hommes et les femmes.
On devrait se préoccuper de la sexualité masculine qui est plus subtile et plus fragile qu’on ne le croit.
”PARFOIS J’AI LE SENTIMENT QU’IL EST PLUS FACILE D’ÊTRE FEMME AUJOURD’HUI QU’ÊTRE UN HOMME. „
Brigitte Lahaie, Actrice et animatrice de radio
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