Quels tests HPV pour le dépistage du cancer du col de l’utérus ?
De nouvelles recommandations pour le dépistage du cancer du col de l’utérus
Depuis juillet 2019, la Haute Autorité de Santé recommande que, chez les femmes de 30 à 65 ans, le dépistage du cancer du col de l’utérus se fasse en première intention par un test HPV et non plus par une cytologie cervico-utérine (HAS, 2019). Ce changement de paradigme dans la pratique du dépistage du cancer du col de l’utérus fait suite à la publication de très nombreux travaux scientifiques montrant la supériorité du test HPV (détectant les HPV haut risque ou HPVhr) par rapport à la cytologie pour dépister les lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus. En 2017, une revue systématique Cochrane a définitivement démontré que, si le test HPV et la cytologie avaient une spécificité clinique similaire (de l’ordre de 90%), le test HPV présentait une sensibilité clinique significativement supérieure (90%) à la cytologie (73%) (Koliopoulos et al., 2017). En pratique, c’est la balance entre la sensibilité et la spécificité clinique du test HPV qui le rend particulièrement performant.
Les performances cliniques des tests HPV de dépistage
La sensibilité clinique d’un test HPV est la probabilité que le test soit positif s’il y a une lésion de haut grade ou plus du col de l’utérus. Les tests HPV doivent présenter une sensibilité clinique maximale pour identifier toutes les patientes à risque de lésions et éviter les faux négatifs. Le corollaire d’une très bonne sensibilité clinique est une excellente valeur prédictive négative. Dès lors un test HPV négatif est très rassurant et permet d’augmenter, par exemple, l’intervalle entre deux tests de dépistage.
La spécificité clinique d’un test HPV est la probabilité que le test soit négatif en l’absence d’une lésion de haut grade ou plus. Il est important que la spécificité clinique soit suffisante afin de limiter les examens complémentaires et les surcoûts induits par un test HPV positif. En d’autres termes, un test HPV doit mettre en évidence des infections cliniquement pertinentes ; c’est-à-dire associées à un risque de lésions prévalentes ou incidentes. En 2009, un groupe d’experts a publié les critères minimaux de performances cliniques que devaient présenter un test HPV pour être utilisable en dépistage primaire (Meijer et al., 2009). Ces critères ont été établis sur la base des performances de deux tests HPV ayant été très largement utilisés dans les études visant à évaluer l’intérêt du test HPV dans le dépistage primaire.
Ces critères sont les suivants :
• la sensibilité clinique pour le dépistage des lésions de haut grade ou plus doit être au minimum de 90% de celle du test Hybrid Capture 2 (hc2, commercialisé par Qiagen), lequel atteignait 94,6% à 97,7% en fonction des études. Les auteurs précisent que l’évaluation de la sensibilité doit se faire en analysant 60 frottis de col de l’utérus associés à un diagnostic histologique de lésions de haut grade ou plus et ayant été préalablement analysés par un test HPV « comparateur » validé.
• la spécificité clinique pour le dépistage des lésions de haut grade ou plus doit être au minimum de 98% de celle du test hc2, lequel atteignait 90,7% à 94,1%. Cette spécificité doit être évaluée à partir de 800 frottis de col de l’utérus ne présentant pas de lésion de haut grade ou plus. Ces frottis doivent aussi avoir été déjà testés par un test HPV « comparateur » validé.
• des tests de reproductibilité intra- et inter-laboratoire doivent aussi être menés. Ils doivent être réalisés sur au moins 500 frottis de col de l’utérus dont un tiers doit être HPV positif avec un test HPV validé.
Afin de faciliter et d’homogénéiser les méthodes de validation des performances cliniques des nouveaux tests HPV disponibles sur le marché, un protocole expérimental type a été élaboré ; il s’agit du protocole VALGENT (VALidation of HPV GENoyping Tests) qui décrit notamment la population d’échantillons à utiliser ainsi que les tests comparateurs de référence à utiliser (Arbyn et al., 2016). En pratique, un nouveau test HPV doit démontrer une non-infériorité par rapport aux performances cliniques du test comparateur.
Beaucoup de tests HPV disponibles
En 2020, Poljak et al. ont dressé l’inventaire des trousses commerciales de détection des HPV disponibles sur le marché (Poljak et al., 2020). Ils en ont recensé 254 différentes qui utilisent des formats de détection ou de révélation extrêmement variables et dont les performances cliniques n’ont pas été systématiquement évaluées. Il s’avère que seules 13 trousses répondent aux critères de performances cliniques précités et sont donc utilisables pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Une liste de ces trousses est régulièrement mise à jour par le Centre National de Référence Papillomavirus (CNR HPV, n.d.).
Il existe trois grandes catégories de tests HPV en fonction de leur format de détection :
• les trousses de détection des HPVhr sans distinction de types : ces trousses ont la capacité de détecter de façon simultanée l’ADN d’au moins 12 HPVhr responsables de la quasi-totalité des lésions précancéreuses et des cancers du col de l’utérus. Il s’agit des HPV16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59. Certaines trousses incluent aussi les HPV68, 53 et 66, considérés comme probablement ou possiblement carcinogènes pour l’homme. Le résultat rendu est qualitatif et indique la présence ou l’absence d’un ou plusieurs HPVhr sans donner précisément le ou les types présent(s).
• les trousses de détection des HPV haut risque avec génotypage partiel : ces trousses détectent les mêmes types d’HPVhr que les précédentes. Elles permettent en plus l’identification individualisée de 2 à 3 génotypes associés au plus haut potentiel carcinogène à savoir les HPV16, HPV18 et parfois HPV45. Les autres génotypes d’HPVhr sont détectés de façon groupée. Un intérêt des trousses de génotypage partiel serait de trier d’emblée, parmi les femmes HPV positives, celles les plus à risque de lésions du col de l’utérus pour leur proposer une colposcopie comme cela se fait aux États-Unis (Huh et al., 2015). Cette stratégie n’est toutefois pas d’actualité en France.
• les trousses de génotypage complet : ces trousses permettent une détection individuelle de chaque génotype recherché. Elles identifient au moins tous les HPVhr et certaines identifient aussi des HPV bas risque ou de risque indéterminé. Ces trousses étaient initialement destinées au diagnostic virologique et aux études d’épidémiologie moléculaire. Néanmoins, certaines sont aussi validées pour le dépistage. Il est important de rappeler qu’il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur l’intérêt clinique du génotypage complet, même si des études récentes indiquent que les différents génotypes d’HPVhr ne présentent pas tous le même risque carcinogène (Demarco et al., 2020).
En ce qui concerne les méthodes de révélation, elles sont aussi très variées. La plupart des techniques (hors hybridation in situ) sont basées sur des techniques d’amplification de cibles par PCR et PCR en temps réel, permettant dans certains cas une détection semi-quantitative des génomes d’HPV. Mais, là encore, si l’intérêt clinique de la quantification de la charge virale en HPV est évoqué dans certaines études (Monnier-Benoit et al., 2006), son utilisation en routine n’est pas recommandée. Il existe aussi des trousses basées sur l’amplification de signal dont nous verrons qu’elles présentent des défauts de sensibilité clinique lorsqu’elles sont utilisées sur des auto-prélèvements.
Des frottis cervico-utérins prélevés dans des milieux de cytologie liquide.
Les recommandations de la HAS prévoient que les frottis cervico-utérins soient prélevés dans un milieu de cytologie liquide. En effet, l’objectif est qu’en cas de test HPV positif, une analyse cytologique puisse être réalisée sur le même prélèvement sans avoir à reconvoquer les patientes. Il est donc impératif que le milieu de recueil des cellules conserve bien les HPV et qu’il soit compatible avec la réalisation d’un test HPV. Il existe aujourd’hui deux milieux validés (PreservCyt® d’Hologic et SurePath® de BD) avec la plupart des tests HPV. D’autres milieux de recueil des cellules de col de l’utérus permettent la recherche des HPV et la cytologie réflexe. Leur utilisation est possible à condition de valider leur utilisation pour réaliser un test HPV primaire dans le cadre du dépistage du cancer du col en s’appuyant notamment sur la norme d’accréditation NF EN ISO15189.
Une place pour les autoprélèvements
Afin d’améliorer la couverture du dépistage, et en particulier pour atteindre les femmes qui n’ont pas ou peu accès au système de soins, il est prévu de proposer des auto-prélèvements. Pratiquement, les femmes qui ne répondront pas aux invitations des Centre Régionaux de Coordination des dépistages des Cancers à participer au dépistage organisé du cancer du col de l’utérus se verront proposer un auto-prélèvement. En effet, plusieurs études ont montré que cette stratégie était efficace pour amener les femmes à se faire dépister, notamment lorsque les dispositifs d’auto-prélèvement leur étaient envoyés ou remis en main propre.
Il existe différents dispositifs d’auto-prélèvements (tampon, écouvillon, lavage) qui sont tous compatibles et adaptés pour une recherche d’HPVhr. À ce titre, de nombreuses études ont démontré que les auto-prélèvements étaient aussi performants que des prélèvements effectués par un professionnel de santé pour la réalisation d’un test HPV, avec des taux de prélèvements non conformes très faibles. Dans leur méta-analyse, Arbyn et al. ont montré que la sensibilité clinique pour la détection d’une lésion de haut grade ou plus à partir d’un auto-prélèvement à l’aide d’un test HPV validé et basé sur une amplification de cible (test PCR) est identique à celle obtenue à partir de frottis effectués par un professionnel de santé (Arbyn et al., 2018). Dans leur travail, les auteurs soulignent que la nature du dispositif d’auto-prélèvement n’altère pas significativement la sensibilité des tests HPV. Toutefois, ces autoprélèvements ne sont pas adaptés à la réalisation d’une analyse cytologique. Ainsi, en cas de test HPV positif, il sera nécessaire de reconvoquer la patiente afin qu’un frottis soit réalisé par un praticien pour une recherche d’anomalies cytologiques. Une autre limitation réside dans le fait que les tests HPV basés sur l’amplification de signal ne peuvent pas être utilisés à partir d’auto-prélèvements car ils ne sont pas suffisamment sensible au regard des performances exigées pour un dépistage efficace.
Les performances des tests HPV à partir d’autoprélèvements urinaires étant moindre (manque de sensibilité), il n’est pas recommandé de proposer ces dispositifs pour le dépistage par manque de sensibilité (Arbyn et al., 2018). Ces dispositifs restent toutefois intéressants car ils sont probablement plus acceptables que les autoprélèvements vaginaux.
Le dépistage du cancer du col de l’utérus est organisé en France depuis mai 2018, et depuis juillet 2019, c’est le test HPV qui est recommandé en première intention chez les femmes de 30 à 65 ans. Depuis avril 2020, le test HPV est remboursé dans cette indication. Parmi le nombre pléthorique de tests HPV disponibles, seuls ceux ayant été validés cliniquement selon des standards internationaux doivent être utilisés dans le cadre du dépistage. Les auto-prélèvements sont utilisables pour permettre une meilleure couverture du dépistage, notamment chez les femmes ayant des difficultés d’accès aux soins. En cas d’auto-prélèvements, seules les trousses utilisant une technique d’amplification de cibles sont validées. Les laboratoires réalisant les tests HPV doivent être accrédités.
Jean-Luc Prétet1, 2, Zohair Selmani2, Rajeev Ramanah2,3, Quentin Lepiller1, 2, 4
1 EA3181, Université Bourgogne Franche-Comté, Besançon, France
2 Centre National de Référence Papillomavirus, CHU de Besançon, Besançon, France
3 Service de Gynécologie Obstétrique, CHU de Besançon, Besançon, France
4 Service de Virologie, CHU de Besançon, Besançon, France
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