Le suivi post-conisation : quand et comment ?
Le suivi post conisation va débuter à la consultation post opératoire, classiquement 4 à 6 semaines après la procédure. Ce sera l’occasion de revenir avec la patiente sur le vécu de la procédure (nous réalisons au CHU de Nantes le geste le plus souvent sous anesthésie locale).
Lors de cette consultation l’examen clinique permet de s’assurer d’une bonne cicatrisation
Il convient d’expliquer les résultats anatomopathologiques. Nous devons nous assurer de la bonne concordance entre le frottis, la colposcopie, la biopsie, et les résultats suite à la conisation. Pour mémoire en cas de lésion de haut grade sur la biopsie et de bas grade sur la conisation nous retenons bien entendu le diagnostic final de haut grade. En cas de conisation diagnostique si la lésion n’est pas retrouvée, il convient de s’assurer que la zone de jonction est bien représentée.
Nous discutons lors de la consultation de la hauteur de conisation, classiquement de 10 à 15mm. Les patientes ayant eu une conisation ont un risque plus élevé, significatif, d‘accouchement prématuré (<37SA). En cas de conisation de 10 à 12mm le RR est de 1,54, il est de 2,77 si la conisation est de 15-17mm et de 4,91 si la conisation mesure plus de 20mm (Méta analyse de la Cochrane 2017).
La troisième discussion autour du résultat anatomo-pathologique est l’analyse des berges. Une conisation in sano aura un risque de récidive faible de l’ordre de 3,7%. Bien entendu lorsque la conisation est non in sano, il n’y a pas d’indication à une reprise chirurgicale, celle-ci serait d’ailleurs sans lésion résiduelle dans plus de 75% des cas. Il apparait que c’est surtout la berge endocervicale qu’il convient d’interpréter comme un marqueur de risque de récidive. Le chirurgien n’a aucun moyen de pouvoir adapter la hauteur de coupe de façon à éviter être « non in sano ». Lorsque la lésion de haut grade n’est pas in sano sur l’endocol le risque de récidive est de 16%, il est de 18% si la lésion arrive au contact des berges endocervicale et exocervicale (Arbyn 2017). Concernant la maladie résiduelle sur le versant exocervical seul c’est plus rare car les conisations sont guidées par la colposcopie et en cas de lésion étendue sur l’exocol, un complément de traitement à la boule monopolaire ou au laser est réalisé. C’est également le versant que l’on contrôle le mieux dans le suivi post conisation par la colposcopie.
Pour modérer ces derniers propos, il existe des indications à une recoupe (reconisation) en cas de lésion de haut grade. En cas d’adénocarcinome in situ il convient d’avoir des marges saines et un curetage endocervical normal (INCA 2016). En cas de lésion de haut grade étendue à toute la pièce non in sano, avec par exemple un doute sur une micro invasion, et par exemple une première conisation trop fi ne (<8mm), ou bien encore chez une patiente n’ayant pas de projet parental, la discussion doit évoquer la possibilité d’une recoupe.
Le risque de récidive doit aussi être discuté
La consultation post opératoire est donc le moment d’évoquer avec la patiente le risque de récidive. Et de s’assurer d’une bonne observance du suivi post thérapeutique. Il n’y a pas d’association significative entre la récidive des lésions de haut grade et le type de traitement (anse, laser …), le nombre de pièce opératoire, la taille de la résection, l’âge, la parité. Egalement pas d’association entre la récidive et le type de contraception, l’utilisation de préservatif, le nombre de partenaire, l’âge du premier rapport sexuel. Les patientes en situation de récidive une fois ne sont pas plus à risque de récidive.
Le point central pour l’évaluation du risque de récidive est donc l’analyse des berges. Il est utile juste pour l’infirmation à donner à la patiente mais ne constitue pas un critère visant à modifier le rythme et les modalités de la surveillance.
L’information générale sur les pathologies HPV induites doit être largement abordée
Enfin, la visite post opératoire est le moment de passer à nouveau l’information sur la pathologie HPV induite en général. Les femmes après le traitement d’une lésion de haut grade du col sont plus à risque de pathologie HPV induite sur les autres sites anatomiques : vagin, vulve, anus, et ORL.
Le cancer du vagin aura une incidence bien supérieure (significatif) après lésion de haut grade du col. Avec une augmentation de cette incidence qui persiste plus de 10 ans. En comparaison aux femmes n’ayant pas eu de lésion de haut grade, le ratio d’incidence est de 86, et le ratio standardisé de 54 dans les 4 premières années.
L’association significative est présente, mais moins forte concernant l’incidence du cancer de l’anus ou du cancer ORL. Il convient de l’expliquer aux femmes, il n’y a néanmoins pas de dépistage spécifique dans leur situation, en dehors de l’examen visuel lors des consultations de surveillance : examen de la vulve, du vagin, du périnée et de l’anus.
Concernant la vaccination, il n’y a pas de donnéesrobustes permettant de justifier la vaccination pour un objectif thérapeutique. Dans une étude prospective cas – contrôle sur 172 patientes, 2 récidives étaient constatées dans le groupe vaccination (vaccin quadrivalent) versus 11 dans le groupe contrôle (Ghelardi 2018). Mais c’est le bon moment d’encourager la vaccination telle qu’elle est recommandée pour les enfants ou les proches de la patiente.
Quelles sont les modalités de la surveillance ?
Nous terminons la consultation post opératoire par le détail des modalités de la surveillance. Il s’agit d’utiliser à présent le test HPV (recherche d’HPV HR). Le premier bilan se fait 6 mois après la procédure. Ce test HPV sera fait tous les 3 ans s’il est négatif et sans limite d’âge. En cas d’HPV HR positif il convient de programmer une colposcopie, si la colposcopie est normale (analyse col, vagin vulve…), le contrôle sera annuel tant que l’HPV reste
positif. Si une lésion de haut grade est retrouvée il faut bien évidemment la traiter.
L’intérêt d’utiliser le test HPV par rapport au frottis en post thérapeutique est de diminuer le nombre de test positif, 21% versus 22,2% de frottis pathologiques après conisation. Lorsque le test HPV est positif une lésion de haut grade est retrouvée dans 28% des cas, versus 25% après frottis pathologique, en cas de test HPV négatifil n’y a que 1% de risque de lésion de haut grade versus 2% en cas de frottis normal. On a donc un triple intérêt à utiliser le suivi par HPV : moins de test positif, meilleur valeur prédictive positive, et meilleure valeur prédictive négative (Onuki 2016).
Lorsque les données du test HPV sont couplées aux données de l’analyse des berges on peut sélectionner un groupe à haut risque de récidive versus un groupe à risque infime : le risque absolu de récidive est proche de 70% en cas d’HPV positif si les berges étaient positives (Onuki 2016).
Le typage viral peut aussi aider à préciser le risque de récidive. Lorsque le type viral retrouvé en post thérapeutique est le même qu’en pré thérapeutique le risque de récidive est supérieur (versus autre type viral). Egalement la présence du génotype 16 en post thérapeutique, c’est le génotype le plus fréquent dans les lésions de haut grade, est associé en analyse multi variée à un risque supérieur de récidive (Byun 2018). Mais c’est probablement le génotype 18 qui est le plus associé à un risque de récidive devant le génotype 16 et 31 (Kang WD, 2010). Néanmoins il n’est pas recommandé d’adapter les modalités de la surveillance en fonction des données du typage.
La consultation à 6 mois est importante pour réaliser le test HPV
Nous revoyons donc la patiente 6 mois après la procédure, pour la réalisation du test HPV. Lors de cet examen il convient de bien analyser la vulve, le vagin et le col. Egalement le périnée et la marge anale. Les femmes ayant eu une hystérectomie pour le traitement de la lésion de haut grade du col sont également à suivre pour le suivi des pathologies HPV induite ailleurs que sur le col. La patiente sera suivie sans limite d’âge de cette façon tous les 3 ans tant que le test HPV revient négatif.
En cas d’HPV positif il convient de réaliser une colposcopie. Il n’est pas conseillé de réaliser la colposcopie seule dans le suivi post thérapeutique car elle identifie mal les patientes guéries. C’est le test HPV le plus performant pour identifier les patientes guéries (Heinonen 2020).
La colposcopie et ses éventuelles difficultés de réalisation
La colposcopie se heurte à la difficulté de la visibilité de la jonction. Mais ce n’est pas du tout systématique. Bien souvent la cicatrice de l’incision sur l’exocol reste visible et bien limitée, avec une analyse possible de l’endocol. Sur les photos N°1 et 2 d’un col post conisation, avec un test HPV positif, on visualise très bien l’exocol et l’endocol. L’application d’acide acétique révèle des plages acidophiles ayant recouvert l’endocol, qui seront iodo négatives et qui justifient la réalisation d’une biopsie.
À propos de la sténose du col post thérapeutique
La définition de la sténose du col n’est pas consensuelle. Certains proposent comme définition le passage impossible par une curette de 3mm (Suh Burgman 2000). Du fait de l’absence de définition précise, l’incidence de la sténose du col post conisation n’est pas clairement établie, allant de 3,4% à 32% selon les études (Sampaio 2008).
Le risque de sténose du col semble s’accentuer avec la multiparité, la hauteur de la conisation, l’âge. Egalement en cas de sténose préexistante à la conisation, le risque de sténose semble majoré. Dans une étude prospective observationnelle de 601 femmes ayant eu une conisation, les paramètres retrouvés significatifs sur le risque de sténose du col, après régression logistique sont l’âge et la sténose pré existante (Chevreau 2020).
L’attitude à adopter en cas de sténose du col avec test HPV positif après une conisation est de bien inspecter les parois vaginales, si besoin avec application de lugol. Il convient aussi de faire l’examen systématique de la vulve, du périnée et de la région périanale. Habituellement on peut proposer un contrôle après quelques semaines d’un traitement d’œstrogène local. Il n’y a aucune recommandation pour la stratégie à avoir en cas de col sténosé avec colposcopie non satisfaisante.
Lorsque l’exocol et le vagin apparaissent sans anomalie, il convient néanmoins de tenter d’explorer l’endocol. Le plus souvent nous réalisons un curetage de l’endocol à l’aide d’une curette tranchante fi ne ou d’une canule de Nowak mais c’est souvent faiblement productif. Le frottis de l’endocol par une brossette rigide peut permettre de s’assurer de la normalité du versant endocervical, mais il n’y a pas de donnée claire de la littérature à ce sujet. L’endocervicoscopie a été décrite (Rahimi 2018). Mais si la technique est aisée, l’efficacité apparait modeste, la sensibilité n’est que de 64% pour le diagnostic de lésion de haut grade.
La conisation diagnostique reste une option pour le bilan dans ces situations de test HPV positif avec colposcopie non satisfaisante. Dans ce cas, les contrôles colposcopiques à distance seront vraisemblablement identiques, impossibles. Lorsque le projet parental est accompli et que la patiente mesure bien la difficulté de la surveillance, l’indication d’une hystérectomie peut être posée. Le bénéfice pour la patiente sera plus d’éviter une surveillance qui s’avère impossible que d’éviter un risque de progression qui reste faible. Chez ces femmes il convient de poursuivre le suivi du test HPV et l’examen de la vulve et du vagin en cas d’HPV persistant.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt
relatifs à cet article.
Edouard Vaucel, Praticien Hospitalier, CHU de Nantes,
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