Principe de précaution = principe de Me… !
Quand j’étais gamin, tous les malheurs du monde étaient provoqués par la «Bombe atomique». Les cancers, les périodes de sécheresses et les typhons, les épidémies et… jusqu’au chat de chat de ma concierge qui, bien sûr toujours à cause de la bombe, était à son grand dam devenu subitement… somnambule ! Maintenant les Perturbateurs Endocriniens (les branchés disent «PE») ont remplacé la bombe dans l’imaginaire collectif tandis que les lanceurs d’alerte, en quête avide de notoriété, se régalent en la matière. Car les champs d’annonces sont ici infinis et ces fameuses substances, terrorisent le bon peuple, font la joie des media, marchands de peur professionnels.
Lessives qui lavent plus blanc, rejets industriels et agricoles, rejets humains. Mais les voilà donc enfin les coupables présumés.
«Docteur pourquoi y a-t-il de plus en plus de cancers du sein ? C’est quoi toutes ces saloperies ?» Ma patiente me regarde, dubitative et elle attend fermement une réponse immédiate
– «Pour parler simple, Madame, ce sont des molécules qui, tels des chevaux de Troie, pénètrent le noyau des cellules avec leur plein accord, puis une fois la place investie révèlent leur horrible vraie nature et transforment alors les cellules en… «Alien».
– Effet garanti : elle est terrorisée !
L’avantage de cette hypothèse est qu’elle colle bien avec la démagogie ambiante actuelle : elle trouve ici une nouvelle matière à se vautrer dans les discussions de café du commerce du style «industriels tous pourris », «y’a que l’argent qui compte», «on peut crever ils s’en foutent pourvu qu’ils amassent des sous, etc». Pourtant, il faut bien dire que nous n’avons pas grandes preuves d’effet délétère des PE chez nous autres , mammifères humains.
Alors, faut-il dès aujourd’hui choisir avec soin ses produits ménagers, faire le tri entre les emballages alimentaires en plastique, ses cosmétiques, n’acheter ses eaux minérales qu’en bouteille de verre, d’éviter les pesticides en mangeant «bio», de ne jamais se déplacer sans une liste à jour des produits à éviter, accuser dur comme fer les antennes relais de téléphonie mobile, par exemple pour nous gynécologues, marginaliser les pilules à l’estradiol, sûrement la plus grande innovation en ce domaine depuis son invention par Pincus en 1956 ?
Sans doute non ! Mais alors quid du fameux principe de précaution inscrit dans notre constitution ?
-Ah, celui-là, parlons-en. Cela fait plus de 10 ans qu’il bloque notre société, des OGM au gaz de schiste, de la médecine de la reproduction à la prophylaxie vaccinale. Les politiques apeurés sous la pression de l’opinion publique devenue défiante vis-à-vis des innovations et… des autorités (sang contaminé, vache folle…), se «couvrent» en faisant référence au principe de précaution pour tout bloquer. Drôle d’époque, ma p’tite dame ! Principe de précaution=principe de Me…, symbole de l’immobilisme et de freins à l’innovation.
Notre société ne doit pas se démobiliser en refusant de progresser : il ne faut pas se coucher devant le doute mais au contraire rechercher inlassablement à le résoudre.
Inquiéter l’opinion sans preuves n’est en aucun cas une démarche scientifique et éthique. On ne peut raisonnablement affirmer qu’il existe un risque d’apparition de cancers en cas d’exposition à long terme et, simultanément, qu’il n’y a pas de preuve formelle de la nocivité de tel ou tel produit ; le principe de précaution ne saurait justifier une attitude systématiquement alarmiste, surtout quand celle-ci est fondée sur une expérimentation non pertinente…*
(*) L’ACADEMIE DE MEDECINE (à propos des cosmétiques aux bébés) communiqué de presse 9/12/2008
Article paru dans le Genesis N°183 (mars/avril 2015)
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