Introduction
L’endométriose est une maladie infl ammatoire chronique dépendante des œstrogènes, affectant entre 6 et 10 % des femmes en âge de procréer et plus de 30 % des femmes infertiles 1, 2. Des facteurs génétiques, hormonaux, environnementaux, immunologiques et anatomiques joue un rôle dans la pathogenèse.
La douleur peut persister malgré le traitement. Les symptômes douloureux, notamment dysménorrhée, dyspareunie, douleur pelvienne non cyclique et dyschésie, altèrent la qualité de vie (QdV). Les analogues de la GnRH (gonadolibérine), les dispositifs intra-utérins libérant du lévonorgestrel et le danazol réduisent de manière signifi cative les symptômes douloureux. Les analogues de la GnRH sont associés à des effets secondaires hypo-œstrogéniques significatifs et à une perte de la densité minérale osseuse, limitant leur utilisation à une période de six mois. Le danazol exerce des effets androgènes et anaboliques qui induisent un gain de poids, des œdèmes, une myalgie et de l’acné limitant également la durée du traitement à six mois. Le traitement laparoscopique de l’endométriose et l’excision de l’endomètre sont associés à des améliorations de la douleur. Les preuves concernant les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont non concluantes. Des preuves chez l’animal et l’homme indiquent que les ions métalliques peuvent activer les récepteurs des œstrogènes. Ils sont
définis comme une variété de xéno-œstrogènes, dénommés métallo-œstrogènes qui peuvent agir comme des perturbateurs endocriniens. Les antioxydants peuvent conférer une certaine protection contre les lésions d’endométriose, et les oligo-métaux peuvent modifier les niveaux du stress oxydatif avec un impact sur l’endométriose. Les effets des principaux oligo-métaux sur l’endométriose ont été récapitulés dans un article. Une étude observationnelle menée chez 10 femmes présentant une endométriose de stades I-IV selon le score de la Société Américaine de Fertilité (American Fertility Society Score, AFSr) a suggéré une régression de la maladie et une atténuation des symptômes, notamment de la douleur pelvienne, après 60 jours de prise d’un assemblage spécifi que d’oligométaux. Cette étude pilote a pour but d’évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi d’une formulation d’oligo-métaux (complexes polymétalliques) (Nutri Endo dénommée C2M2ZPSI) issu des recherches en Nutripuncture® du docteur Patrick VERET ayant un statut de complément alimentaire, chez des patientes présentant une endométriose de stade AFSr II, III et IV.
Matériels et méthodes
Schéma de l’étude
L’étude prospective, randomisée, en double aveugle, versus placebo a été conduite dans douze centres (France et Belgique). Le protocole a été publié. L’étude approuvée par les autorités de tutelle a obtenu des avis favorables de comités d’éthiques et a suivi les directives CONSORT 22 (France : CPP Ile-deFrance 5 – Avis favorable avril 2015 ; Belgique : Comité d’éthique Liège CHR Citadelle – Avis favorable avril 2015). Les patientes ont signé un consentement pour participer à l’étude. Les patientes ont effectué une période de pré-inclusion sous placebo pendant un cycle menstruel (ou 30 jours pour les femmes en aménorrhée) afin d’exclure les répondeuses au placebo (diminution d’au moins 20 % de la douleur). Les patientes ont ensuite été randomisées pour recevoir C2M2ZPSI ou un
placebo pendant 120 jours.
Critères d’inclusion
Les femmes non ménopausées (18 à 45 ans) avec un diagnostic d’endométriose (confirmé par laparoscopie et/ou laparotomie) de stade II-IV AFSr seul ou associé à une adénomyose, avec une douleur liée à l’endométriose ≥ 40 mm sur une EVA de 0 à 100 mm étaient éligibles. Pour les patientes précédemment traitées de manière stable (contraceptifs hormonaux, AINS, ou toute autre modalité) la période entre le traitement et l’inclusion devait être d’au moins deux mois et six mois pour une chirurgie. Les femmes enceintes ou montrant une pathologie susceptible d’interférer avec l’endométriose et/ ou l’adénomyose ont été exclues.
Traitement à l’étude
Au cours de la période de pré-inclusion les patientes ont pris une séquence de 10 comprimés de placebo par voie orale (à croquer pour faciliter l’absorption sublinguale) dans l’ordre 1-10, en dehors des repas, le matin et le soir. Les patientes non répondeuses ont été traitées pendant 120 jours soit par C2M2ZPSI [C2M2ZPSI-1 (séquence de 10 comprimés par voie orale à croquer dans l’ordre 1-10, en dehors des repas, le matin) et C2M2ZPSI-2 (séquence de 10 comprimés par voie orale à croquer dans l’ordre 1-10, en dehors des repas, le soir)] ou par placebo suivant le même schéma. Les comprimés de C2M2ZPSI contiennent du calcium, magnésium, zinc, manganèse, sodium, sel, cuivre, fer à concentrations séquentielles.
Suivi
Quatre visites J-45 à J-30, J0, J60 et J120 étaient prévues. Les patientes évaluaient leur douleur quotidiennement sur une EVA de 100 mm, et à chaque visite. Les patients ont rempli le questionnaire de QdV EHP-30 (Endometriosis Health Profi le-30) à J0, J60 et J120, et un test de grossesse urinaire a été réalisé lors de chaque visite. Les patientes enregistraient leurs pertes sanguines, l’utilisation d’AINS et les événements indésirables (EI) et des événements indésirables graves (EIG).
Critères d’évaluation
Le critère principal était la différence en % de l’aire sous la courbe (AUC) moyenne pour la douleur de J0 à J120 basée sur l’enregistrement quotidien de la douleur (EVA de 0 à 100 mm) par rapport à la période de pré-inclusion. Les critères d’évaluation secondaires étaient : le changement du score total du questionnaire EHP-30, le nombre de comprimés d’ibuprofène consommés au cours de la phase de prise du produit, le pourcentage de jours avec des pertes sanguines et la fréquence des EI/EIG.
Taille de l’échantillon
Calculé pour le critère principal, 23 patientes par groupe étaient suffisantes pour détecter une différence statistiquement signifi cative de 20 % entre les 2 groupes (risque alpha de 5% ; puissance de 90%), en prenant comme hypothèse un changement de 10 % dans le groupe placebo et de 30 % dans le groupe C2M2ZPSI et un écart type commun de 20 %. La nature pilote de l’étude, l’absence de données préliminaires et un taux d’abandon estimé après la période de pré inclusion de 15 % à 20 %, ont conduit à inclure 60 patientes pour disposer de 46 patientes achevant l’étude.
Randomisation et aveugle
La randomisation était informatique, automatisée et centralisée. Patientes, investigateurs, collaborateurs et les personnes évaluant les résultats étaient en aveugle. Les comprimés placebo et C2M2ZPSI étaient similaires (forme, taille, couleur et aspect).
Méthodes statistiques
L’analyse (logiciel IBM-SPSS Statistics Version 21.0) a inclus toutes les patientes randomisées ayant pris au moins une dose du produit. Les patientes bénéfi ciant d’une chirurgie, d’un changement thérapeutique majeur et/ou ayant développé une grossesse confi rmée ou ayant arrêté la prise du médicament au cours de l’étude ont été exclues. Les valeurs manquantes n’ont pas été remplacées. Le critère principal et les critères secondaires de l’e cacité ont été comparés en utilisant un test t de Student. Une analyse de covariance en mesures répétées a été conduite pour les mesures répétées. Le test exact de Fisher a été utilisé pour comparer les fréquences des EI.
Résultats
Population
Au total, 63 femmes ont été randomisées entre le 28 mai 2015 et le 31 décembre 2016 (32 groupe C2M2ZPSI et 31 groupe placebo) et 43 femmes
ont complété l’étude (23 groupe C2M2ZPSI et 20 groupe placebo). Les motifs de sorties prématurées d’étude sont respectivement dans les groupes C2M2ZPSI/placebo : retrait de consentement (2/0); perdu de vus (3/0); EIG (0/1) ; EI (0/4) ; grossesse (0/1) ; autres motifs (1/1); non précisé (3/4). Les caractéristiques des patientes figurent dans le tableau 1.
Critère d’évaluation principal et évaluations apparentées de la douleur
Critère principal
L’AUC moyenne pour la douleur entre J0 et le J120 basée était signifi cativement plus faible dans le groupe C2M2ZPSI avec une AUC moyenne de 37 mm, contre 64 mm dans le groupe placebo. La di érence par rapport à la période de pré-inclusion était statistiquement significative entre les 2 groupes en faveur du groupe C2M2ZPSI (p <0,001).
Evaluations apparentées de la douleur
Le changement moyen par rapport aux valeurs initiales de douleur, mesurée à J30, J60 et J120 a atteint des valeurs signifi cativement inférieures dans le groupe C2M2ZPSI par rapport au placebo, avec une réduction de 42 mm (-66,1%) et de 16,4 mm (-26,1%) respectivement (p = 0,001) (Figure 1). Un nombre signifi cativement supérieur de patientes dans le groupe C2M2ZPSI (21/23 patientes [91,3 %]) par rapport au groupe placebo (5/19 patientes [26,3 %]) a présenté une diminution significative de la douleur entre J0 et J120 (p = 0,003).
Critères d’évaluation secondaires
Le nombre moyen de comprimés d’ibuprofène pris quotidiennement entre J0 et J120 montrait une tendance inférieure dans le groupe C2M2ZPSI (6,9 ; 7,7 ; 3,7 et 5 comprimés/mois) par rapport au placebo (13,7 ; 9 ; 11,6 et 10,1 comprimés/ mois). La différence entre les groupes de l’étude était significative entre J60 et J90 (p < 0,01). Il n’a été observé de différence significative du pourcentage moyen du nombre de jours avec perte de sang entre J0 et J120 entre les deux groupes (p = 0,939 et 0,830 en utilisant l’âge et le score EHP-30 comme covariables). Dans le groupe placebo, le score EHP-30 a diminué de 58,96 à 50,71 entre J0 et J120. Le score EHP30 a montré une diminution inférieure dans le groupe C2M2ZPSI (52,29 à 48,65 entre la randomisation et le J120).
Tolérance
Quatre-vingt sept EI ont été rapportés (42 chez 18 patientes (18/31 [58,1 %] dans le groupe placebo et 45 chez 19 patientes 19/32 [59,4 %] dans le groupe C2M2ZPSI) (p < 0,05). Trentetrois (n = 33) EI ont été considérés comme potentiellement imputables au produit (18 chez 8 patientes (8/31 [25,8 %]) dans le groupe placebo et 15 chez 8 patientes (8/32 [25,0 %]) dans le groupe C2M2ZPSI (p > 0,05). Quatre EI graves (EIG) ont été rapportés (2 dans le groupe placebo et 2 dans le groupe C2M2ZPSI) chez 4 patientes (p > 0,05). Aucun de ces EIG n’a été considéré comme imputable au produit. Les EI rapportés les plus fréquents (au moins 3 caspour les 2 groupes) étaient respectivement pour le groupe C2M2ZPSI et placebo : bouffées vasomotrices (1 cas vs 2), maux de têtes (1 cas vs 2), douleurs d’estomac (1 cas vs 2), mastodynie (0 cas vs 3), saignements menstruels (4 cas vs 2 cas), saignements gynécologiques (0 cas vs 4).
Discussion
Cette étude clinique randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo, conduite chez des patientes présentant une douleur associée à l’endométriose et traitées par C2M2ZPSI a montré une diminution signifi cative de leur douleur, par rapport au placebo. Une diminution
progressive de la douleur a été observée entre J0 et J30 mais l’effet a été mis en évidence vraiment à partir de J60. La diminution de la valeur de l’EVA constatée dans le groupe placebo, mais nettement inférieure à celle observée dans le groupe C2M2ZPSI, est associée à l’e et placebo classique 25. Malgré ce gain sur la douleur, nous n’avons pas observé d’amélioration signifi cative de la QdV dans le groupe C2M2ZPSI par rapport au placebo. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les patientes sous placebo ont compensé leur douleur en utilisant davantage d’AINS.
Aucun effet sur les pertes de sang n’a été observé.
À notre connaissance, l’efficacité potentielle des oligo-métaux contre la douleur associée à l’endométriose n’a jamais été testée au cours d’une étude en double aveugle, randomisée et contrôlée par placebo.
Aucun effet aussi important n’avait été obtenu avec l’administration orale d’Elagolix, un antagoniste de la GnRH oral26 ou avec la desloréline (agoniste de la GnRH)27, ou encore avec les inhibiteurs de l’aromatase28 ou avec Lactobacillus gasseri OLL280929, mais un e et similaire avait été obtenu avec DLBS1442, un extrait bioactif semi-polaire breveté etstandardisé du fruit de Phaleria macrocarpa30 etle diénogest 31.
Dans un précédent article nous avons décrit méthodiquement les effets potentiels des oligométaux21. Certains d’entre eux ont des effets positifs, négatifs et/ou mitigés sur la maladie ou sur les affections pouvant conduire à cette pathologie. La grande majorité des résultats ont été obtenus in vitro sur des modèles animaux ou ex vivo sur des tissus de patientes sou rant de la maladie. Certains oligo-métaux non utilisés au cours de cette étude pourraient éventuellement être intéressants pour les femmes sou rant d’endométriose, mais ils ne sont pas autorisés dans les compléments alimentaires (Journal officiel de l’Union européenne L314/36, 2009). C’est le cas de certains métaux lourds, notamment le cadmium, le nickel ou le plomb 21.
En conclusion, cette étude ouvre la voie à une médecine complémentaire de l’endométriose, caractérisée par une grande sécurité d’emploi. Les résultats positifs observés avec les e ets de C2M2ZPSI ont révélé que la réduction de la douleur concernait 91,3 % des patientes, avec une réduction de la douleur de 66,1%. Ces résultats doivent faire l’objet d’investigations complémentaires afi n de confi rmer les résultats de cette étude pilote, et comprendre si le produit agit sur les paramètres physiologiques et/ou histologiques.
Le Pr. Pierre Mares le Dr. Audrey Pivano et Pr. Aubert Agostini-Ferrandes ont participé en tant qu’investigateur de l’étude. Le Dr Auréa Cophignon était en cursus post-doctoral au laboratoire Pronutri.
Cette étude est parrainée par les laboratoires Pronutri.
Pr. Pierre Mares,
Dr. Audrey Pivano,
Dr Auréa Cophignon
et Pr. Aubert AgostiniFerrandes
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