Christian Jamin fait le point des thérapeutiques et molécules qui ont modifié l’exercice des gynécologues et amélioré la prise en charge des patientes dans les 20 ans qui viennent de s’écouler : une liste non exhaustive.
■ ANNEAUX VAGINAUX
Parmi les causes d’échec de la contraception estroprogestative (CEP) les troubles de l’adhésion à la méthode tiennent une place prépondérante. L’adhésion est constituée à la fois de l’observance et la persistance. La persistance est liée à la tolérance (saignements et bénéfices non contraceptifs) et l’observance aux oublis de prise. Les anneaux vaginaux améliorent l’observance tant en contraception qu’en post ménopause. L’utilisation de ces anneaux est peu prisée en France malgré leurs qualités. L’apparition d’un générique de l’anneau vaginal contraceptif ne peut qu’en augmenter l’attrait.
■ LES ANTI-ANDROGÈNES
L’acétate de cyprotérone (Androcur®) a tenu le dessus du panier pendant des décennie tant il est efficace. Ce succès a comme d’habitude entraîné des dérives d’utilisation et d’indication. Tout d’abord son utilisation seule, loin d’être rare, entraine une hypoestrogénie chronique importante, source au minimum de perte osseuse et de sécheresse vaginale. Sa dose d’utilisation préconisée de 50 mg par jour est le plus souvent excessive, 25 mg étant en général suffisants. La dérive des indications hors AMM sont l’acné, la chute de cheveux (sans étude clinique) et l’hypertrichose. Ces trois pathologies nécessitent des traitements de très longues durées probablement car elles sont majoritairement génétiques. La pharmacovigilance nous a montré que ces utilisations pendant des décennies étaient à risque. Dans l’hirsutisme, l’Androcur doit être utilisé en traitement d’attaque, en co-prescription avec un estrogène, associé à des séances d’épilation laser ou électriques. Une fois le résultat esthétique obtenu, un relais par estroprogestatif de type Triafemi® sera institué, au besoin associé à la poursuite des épilations laser ou électrique. Ceci, en bannissant les arrachages, permet de maintenir le résultat esthétique dans la quasi-totalité des cas.
Cette surconsommation en dose et en durée a entraîné des effets secondaires graves : des douleurs abdominales violentes pouvant à tort conduire à la chirurgie, des méningiomes dont le risque est dose et durée dépendant, et probablement une promotion des cancers du sein et des infarctus comme nous l’ont fait suspecter les études WHI et E3N.
Ces derniers risques doivent rendre circonspect quant à la prescription après 40 ans. La place de ce progestatif reste entière pour l’hirsutisme important, à la dose de 25mg, sur une durée minimum, avant 40 ans et assortie d’une surveillance cérébrale par IRM.
Que nous reste-t-il d’autre pour traiter les hyperandrogénismes ?
– Une pilule estroprogestative élevant suffisamment la TeBG (SHBG) qui génère potentiellement un risque minimum thrombo-embolique (cf infra)
– La spironolactone, là encore à la dose minimum efficace, en débutant à 50mg/jour. Ce produit est très utilisé aux Etats Unis depuis des décennies, semble-t-il sans risque, mais il faut bien avouer que les publications le concernant sont rares. Il est proposé dans toutes les situations d’hyperandrogénisme.
– Le finastéride, là encore à la dose minimum efficace (2,5 mg), est proposé principalement en Italie dans l’hirsutisme et la chute de cheveux. A ma connaissance, aucun effet secondaire
n’a été publié à ce jour.
Ces deux derniers produits (spironolactone et finastéride) sont hors AMM, et doivent être associés à une contraception médicale du fait d’un risque d’anomalie des organes génitaux sur Depuis 1995 le surrisque thrombo-embolique veineux (TEV) des contraceptions estroprogestatives (CEP) de troisième et quatrième génération (3-4 G) est discuté, et ce débat a terni l’image de la CEP dans son ensemble. Nous ne reviendrons pas sur cette polémique sans fin.
Les 3-4 G étaient au départ préférées car elles n’entrainent pas d’hyperandrogénisme, voire même elles le traitent. Ce bénéfice induirait une meilleure persistance, donc une meilleure efficacité contraceptive. Il y a aujourd’hui consensus sur le fait que la contraception au norgestimate a un risque de TEV équivalent aux 2 G (voir recommandations du CNGOF 2018) ainsi qu’une efficacité cutanée équivalente aux 3-4 G (Triafémi). Ainsi tout est devenu simple : il faut maintenant, en l’absence d’hyper androgénisme, proposer les 2 G en première intention car elles sont remboursées, et s’il existe un problème de peau, proposer cette pilule triphasique au norgestimate.
■ CONTRACEPTIONS D’URGENCE
Une contraception d’urgence utilisant un modulateur du récepteur de la progestérone, l’Ulipristal Acétate (EllaOne®), a été mise sur le marché avec possibilité d’achat direct ou sur ordonnance et donc remboursée. La caractéristique principale de ce produit est d’être 3 fois plus efficace que son ancêtre le Lévonorgestrel (Norlévo®) lorsqu’ils sont utilisés dans les 24h (ce qui est le cas dans 90% des prises) après le rapport non protégé. Ceci a été démontré par une méta analyse de deux études de non infériorité randomisées, ce qui est statistiquement valide. Cette supériorité d’efficacité s’explique par le fait que l’UPA est actif dans les deux jours qui précèdent l’ovulation lorsque le follicule a une taille de 14 à 18mm, ce qui n’est pas le cas du Norlévo®. En effet les périodes les plus à risque de grossesse sont le jour de l’ovulation et les deux jours qui précèdent.
■ LES ESTROPROGESTATIFS DANS L’ENDOMÉTRIOSE
L’endométriose est une maladie chronique et récidivante après chirurgie : les traitements doivent donc être de très longue durée. Ceci implique qu’à efficacité équivalente c’est la tolérance et l’innocuité long terme qui primeront. Il n’existe aucune différence d’efficacité entre les traitements médicaux de l’endométriose. Ainsi on a le choix entre les estroprogestatifs, les microprogestatifs et les macroprogestatifs. Les macroprogestatifs donnent des saignements, des manifestations d’hyperandrogénie et une hypoestrogénie (perte osseuse). De ce fait
les estroprogestatifs seront proposés en première intention (recommandations du CNGOF 2017) ainsi que les microprogestatifs anti ovulatoires (Cerazette ® et génériques), en cas de contre-indication aux CEP et après 40-45 ans.
Les hémorragies de privation sous CEP sont-elles néfastes ?
Bien que l’efficacité supérieure des traitements sans saignements n’ait été prouvée qu’en post chirurgie uniquement, ces traitements peuvent être proposés aussi d’emblée. Du fait du risque de saignements itératifs nuisant à la persistance, il est proposé soit de déclencher une hémorragie de privation tous les 3 mois (Seasonique®), soit d’utiliser la méthode flex : arrêt du CEP monophasique 4 jours en cas de saignement gênant (à ne pas faire plus d’une fois par mois).
■ FIBROMES
L’ulipristal acétate à la dose de 5 mg/jour (Esmya®) a un effet spectaculaire sur les saignements liés aux fibromes classés 0, 1, 2, 3 par la FIGO. Il stabilise et même diminue la taille des fibromes lorsqu’il est utilisé plus d’une cure de 3 mois. Ce produit semblait avoir un avenir radieux jusqu’à la mise en garde de l’Europe sur de rares cas graves d’hépatotoxicité. Au prix d’une surveillance des transaminases, l’EMEA vient d’en rétablir l’autorisation, le rapport bénéfice risque étant positif comparé à la chirurgie dont la morbi mortalité n’est pas négligeable.
■ MYO-INOSITOL
Il ne s’agit pas d’un médicament mais d’un complément alimentaire. Ce sucre améliore l’insulino sensibilité. De ce fait il diminue les anomalies métaboliques du syndrome métabolique. Il favorise le retour des cycles et la fertilité chez les femmes ayant un ovaire polykystique (OPK). Il favorise également les ovulations et les grossesses lors de stimulations par Clomid® et gonadotrophines chez les femmes OPK.
■ PROGESTATIFS POUR TRAITER LA MÉNOPAUSE
Les résultats de l’étude WHI ont probablement définitivement scellé le sort des progestatifs artificiels : ils n’ont aucune place dans le THM. En effet, ils augmentent les risques de cancer du sein, d’infarctus du myocarde et probablement pour certains de thrombose veineuse.
Ainsi une femme sans utérus ne prendra ni progestatif ni progestérone.
Une femme avec utérus associera soit de la progestérone soit de la rétro progestérone à l’estrogénothérapie (étude E3N). Qu’en est-il de la protection endométriale avec la progestérone micronisée (Utrogestan® et génériques) et la rétroprogestérone (Duphaston®)?
La rétroprogestérone à la dose de 5 mg protège l’endomètre lorsqu’elle est associée à 1 et 2 mg d’estradiol en combiné continu. 14 jours de retro progestérone à la dose de 10 mg protège l’endomètre pour une dose de 2 mg d’estradiol, et 14 jours de rétro progestérone à 5 mg protègent l’endomètre pour une dose de 1 mg d’estradiol. La progestérone micronisée à la dose de 200 mg pendant 14 jours protège l’endomètre pour un apport quotidien de 2 mg d’estradiol et 100 mg de progestérone, en combiné continu, peuvent être associés à 1 mg d’estradiol.
Tous les autres schémas en dose ou en durée sont à proscrire. Une augmentation des cancers de l’endomètre a en effet été mise mis en évidence (études E3N et EPIC) avec la progestérone micronisée, probablement pour nonrespect des doses et schémas d’administration validés.
■ LE SYNDROME GÉNITO-URINAIRE
Une publication récente du JAMA m’a fortement impressionné concernant la prise en charge du syndrome génito-urinaire. Il s’agit d’une étude de niveau 1 double aveugle, comparant un estrogène (estradiol local 10g) à un hydratant vaginal (Replens®) et un placebo qui est en fait un lubrifiant (Monasens ®) chez des femmes sexuellement actives. Cette étude est réalisée sur 12 semaines. Stupéfaction : il n’existe aucune différence d’efficacité entre les trois produits sur les symptômes vaginaux sexuels et urinaires !
Ainsi faciliter la vie sexuelle avec pénétration fait aussi bien que les approches pharmacologiques.
En reprenant la littérature on trouve des études de niveau 1 ayant montré que l’hydratant acide hyaluronique (Cicatridine® Mucogyne®) versus estrogène avait une efficacité égale sur le confort vaginal et urinaire.
La sexualité remboursée par la Secu ou à défaut les sex toys est-elle pour demain ? Un premier pas vient d’être franchi avec le remboursement des préservatifs de la marque EDEN®, des laboratoires Majorelle.
Plus sérieusement, à l’époque du rejet des hormones, l’utilisation d’hydratants semble être une bonne alternative.
■ TIBOLONE LE RETOUR ?
La tibolone, dérivé de la 19 nortestostérone utilisée comme traitement de la ménopause, était un peu tombé en désuétude (Livial®). Ce médicament a été développé en dépit du bon sens puisque les travaux de niveau 1 qui auraient pu servir à informer les prescripteurs ont été publiés après la chute du brevet !
Aujourd’hui, alors qu’un générique vient d’être commercialisé (Tibolone CCD®) on peut par comparaison au traitement hormonal de la ménopause (THM) affirmer ceci :
– La tibolone et le TSH classique ont une efficacité identique sur le syndrome climatérique, le syndrome génito-urinaire et la prévention du risque fracturaire osseux.
– La tibolone contrairement au THM augmente la masse musculaire et surtout améliore la libido et le plaisir sexuel.
– Le risque de TEV est plus faible avec les estrogènes cutanés et probablement la tibolone qu’avec les estrogènes oraux
– Le risque coronarien fait l’objet de nombreux débats : il est admis que les traitements de la ménopause doivent être institués dans les 5 ans qui suivent la ménopause. De plus il faut éviter les progestatifs artificiels.
– Les progestatifs artificiels augmentent le risque le cancer du sein alors que la progestérone, la retro progestérone et l’estradiol seul sont sans effet sur ce risque. Les estrogènes conjugués équins seuls diminuent ce risque. La tibolone chez les femmes âgées diminue fortement le risque de cancer du sein.
– Chez les femmes âgées le THM oral avec ou sans progestatifs et la tibolone augmentent le risque d’AVC. Il est possible que les estrogènes cutanés n’augmentent pas le risque.
– Le THM estroprogestatif et la tibolone augmentent les récidives après cancer du sein
■ VACCIN CONTRE LE PAPILLOMAVIRUS
Le cancer tue, le cancer mutile, le cancer altère définitivement la qualité de vie. C’est pour tout cela que le cancer fait peur à juste titre !
Dans ma grande naïveté j’étais persuadé que la découverte de vaccins contre les rares cancers dont on connait l’origine dans 100% des cas serait accueilli avec enthousiasme, mais que nenni !
Mais en même temps,on ne sait jamais, Attendons la preuve irréfutable, la bêtise et les rumeurs sont plus fortes que la peur. Elles ont eu raison de l’évidence épidémiologique d’innocuité et surtout de l’espoir de faire disparaitre les cancers du col de l’utérus, de l’endocol, de l’anus, et d’une importante partie des cancers des voies aériennes supérieures.
Que les lésions précancéreuses diminuent de manière drastique, que les femmes traitées n’aient pas davantage de maladies auto immunes ou neurologiques que les femmes non traitées, n’a pas suffi à convaincre plus de 20% des parents de jeunes filles françaises alors que 80% des ados britanniques néozélandais et australiens se sont fait vacciner, laisse pantois. Ces derniers en sont à vacciner les garçons pour augmenter l’efficacité vaccinale et éradiquer ce satané virus alors que nous continuons à entendre les jérémiades des inconditionnels du principe de précaution et les faussaires de statistiques. Il est des domaines où la liberté individuelle bafoue la sécurité du groupe, vieux dilemme maurassien dont les français ne sortent pas.
Un regret pour finir : la disparition prématurée du marché français, pour cause d’échec commercial, du TSEC Duavive® qui associait un estrogène conjugué équin et un anti estrogène le basedoxyfène. Ce traitement de la ménopause semblait prometteur, en particulier pour la prévention du cancer du sein.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article.
« CETTE ÉNUMÉRATION À LA PRÉVERT N’A AUCUNE AMBITION D’EXHAUSTIVITÉ : IL NE S’AGIT QUE D’UNE LISTE QUI ME TRAVERSE L’ESPRIT AUJOURD’HUI. NOMBRE D’AUTRES TRAITEMENTS AURAIENT CERTAINEMENT ÉGALEMENT EU LEUR PLACE ICI. »
Christian JAMIN
Gynécologue, Paris
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