Lors de l’anamnèse initiale ou au cours d’une consultation de suivi, il est possible de retrouver une histoire de dysménorrhée. D’autres circonstances comme un bilan périnéal par exemple peuvent permettre de mettre en évidence une dysurie ou des rectalgies présentes ou majorées pendant les règles. Nous pouvons aussi au cours de nos consultations de suivi gynécologique de prévention recueillir une plainte de dyspareunie profonde par une patiente. Tous ces éléments peuvent être des signes d’appel d’endométriose qui doivent nous alerter 1 – 3. Outre l’évaluation de cette douleur et son retentissement, notamment psychosocial, le dépistage fait partie intégrante de l’exercice en maïeutique et est donc accessible facilement en consultation de sage-femme. Conformément aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) et du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) de 2017 3 – 7, la sage-femme, notamment en pratique libérale, en tant que praticien de premier recours, cherchera alors à dépister une possible endométriose.
Le bilan initial à proposer est un examen clinique gynécologique qui recherchera les signes en lien avec l’endométriose : lésion bleutée dans le cul-de-sac postérieur, palpations de nodules le long des ligaments utérosacrés ou du cul-de-sac postérieur et/ou douleur à leur mobilisation, utérus rétroversé et annexes fixées. Une « échographie pelvienne de dépistage » complètera le bilan (l’ordonnance devant être ainsi rédigée pour éviter toute difficulté de prise en charge avec les organismes d’Assurance Maladie). 5 Une demande d’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) n’est pas un examen de dépistage de première intention mais pourra aussi être demandé dans certaines circonstances (comme une vulvodynie rendant un examen échographique par abord vaginal impossible).
Pour la sage-femme, dès lors que l’examen clinique et/ou l’échographie auront apporté des éléments contributifs au diagnostic d’endométriose, l’avis du médecin gynécologue obstétricien devra être sollicité. Toutefois si cette découverte est fortuite et que la patiente n’est pas symptomatique, l’orientation pourra être reportée et l‘avis sollicité uniquement en cas de troubles de la fertilité. Afi n de garantir un délai court, l’orientation vers un praticien référent au sein de son réseau semble à privilégier.
Toutefois, en attendant son avis éclairé, une prise en charge peut être débutée puisque le traitement principal reste une proposition de traitements hormonaux contraceptifs, donc du ressort de la sage-femme. La contraception orale combinée – de préférence en schéma étendu voir continu, en tenant bien évidemment compte des contre-indications de ces contraceptifs, et le système intra-utérin (SIU) au lévonorgestrel à 52mg sont en effet les deux traitements médicamenteux hormonaux recommandés en première intention. En seconde intention, les microprogestatifs au désogestrel oral ou l’implant à l’étonogestrel sont à proposer. Leur AMM « contraception » permet une prescription par la sage-femme sans attendre l’avis du gynécologue 5. Si le médecin confirme une prise en charge par traitements contraceptifs, en accord
avec la patiente, la sage-femme pourra être sollicitée pour poursuivre le suivi de la patiente et renouveler les spécialités qui lui sont autorisées (Code de déontologie, Article R.4127-324 du code de la santé publique : « La sage-femme peut participer, sous la direction d’un médecin, au traitement de toute patiente présentant une affection gynécologique »).
Le gynécologue obstétricien référent assurera les examens de seconde intention (réalisation et prescription comme la demande d’IRM) et de troisième intention. Il décidera de l’intérêt de la chirurgie également.
Le rôle de la sage-femme ne s’arrêtera pas à cette orientation. Elle pourra tout d’abord assurer son rôle d’information de la patiente quant à cette pathologie, ses conséquences possibles comme les risques qu’elle peut faire encourir à sa fertilité – et sur les alternatives thérapeutiques qui pourront lui être proposées en fonction de l’étendue des lésions et de ses souhaits. Le rôle d’accompagnement de la sage-femme reste primordial pour répondre aux difficultés psychosociales exprimées par la femme. La sage-femme se doit également de proposer l’ensemble des stratégies antalgiques à sa disposition :
• Des antalgiques de palier 2 ;
• Les recommandations HAS reconnaissent une place pour l’acupuncture, l’ostéopathie ou le yoga qui ont montré une réduction des douleurs et donc une amélioration de la qualité de vie dans le cas spécifi que de l’endométriose ;
• L’homéopathie n’est pas recommandée mais une étude confirme son intérêt en thérapie complémentaire 12, 13 ;
• Le matériel utilisée en rééducation périnéale peut être mobilisé : l’électrostimulation transcutanée (TENS) ou radiofréquences (TECAR) ;
• Phytothérapie (gingembre, valériane, fenugrec …), conseils diététiques et l’aromathérapie n’ont pas été évaluées dans l’endométriose et ne peuvent donc pas être recommandées à ce jour. Il en est de même pour les antioxydants et les supplémentations vitaminiques. Non recommandé signifie qu’elles peuvent être cependant proposées (la formulation est en effet différent de « il est recommandé de ne pas utiliser ») sans que l’on puisse savoir à ce jour si ces traitements sont efficaces ou non ;
• Hypnose, Qi gong, thérapie comportementale, etc. peuvent également être proposés par la sage-femme pour participer à la lutte contre la douleur.
L’interprofessionnalité est recommandée dans le soutien aux femmes souffrant de cette pathologie : au-delà du trinôme généraliste – sage-femme – gynécologue, le recours à une psychologue, sexologue, assistante sociale… sont à proposer, particulièrement lorsque la qualité de vie est fortement dégradée. La sage-femme de par sa connaissance du réseau périnatal dans lequel elle s’incrit pourra facilement orienter vers ces professionnels.
Nicolas DUTRIAUX,
Sage-femme libérale (Herblay),
Membre du Collège National des Sages-Femmes de France (CNSF).
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