Comment votre exercice a-t-il évolué au cours des 10 dernières années ?
J’ai 57 ans dont 32 au service de la gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction en secteur hospitalier. Durant ces 10 dernières années, j’ai pu constater l’émergence de la chirurgie mini-invasive, de la génétique, de l’Evidence Base Médecine (EBM), de la T2A, … J’ai commencé mon internat avec la cœlioscopie, je l’ai vu se développer au point de remplacer les laparotomies dans de nombreuses indications. Désormais on peut dire « grand chirurgien, minime incision ». Cependant, il est possible que dans les années qui viennent, un certain retour en arrière s’effectue.
La génétique a envahi nos consultations, 55 ans après la découverte de la double hélice. Progrès fabuleux, mais germe de potentielles dérives. L’EBM est désormais la règle, la recommandation est reine. Il ne faudrait pas que ce cadre de travail remplace la nécessaire réflexion intellectuelle face à un problème inédit.
Enfin la T2A, moyen d’état pour inciter aux restructurations, lesquelles n’ont jamais été mises en oeuvre par manque de courage politique.
Quels sont selon vous les orientations futures de la gynécologie ?
Pour moi, les orientations doivent être la prévention, le dépistage et le traitement de certaines pathologies : l’endométriose touchant 15 à 20% des femmes avec son cortège de douleurs et d’infertilité ; l’accouchement prématuré, 7% de nos naissances, pouvant impacter la vie future des adultes nés prématurément ; le cancer du sein touchant une femme sur 9, dont le parallèle chez un homme aurait déjà conduit à une prise de conscience bien supérieure.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
Il n’y en a pas une mais de nombreuses : tous ces couples chez qui l’assistance médicale à la procréation ou la prise en charge des fausses-couches à répétition (ou de pathologies gravidiques) a permis d’obtenir ultérieurement des enfants.
Quelle a été votre principale déception ?
Il n’y a pas eu de déception, car sinon j’aurais changé de métier. Des regrets : l’abandon de la clinique au profit des examens complémentaires, l’évolution des rapports entre médecin et population avec une émergence des conflits médico-légaux, la disparition de médecins que j’ai croisé et qui ont façonné notre spécialité (J Salat-Baroux, J Cohen, J Lansac, J Belaisch, …) et la médecine (P Godeau).
Quels sont vos espoirs ?
Multiples, pour rendre la grossesse sans risque, la fertilité sans échec et la gynécologie au service de la prévention des cancers et des maladies chroniques.
Philippe MERVIEL
Service de gynécologie – obstétrique
CHRU de Brest
16 commentaires