Comment votre exercice a-t-il évolué au cours des 10 dernières années ?
Je retiendrais trois points :
1. Après une période de quasi dictature de l’evidence based médecine (EBM) dont les impacts se mesurent encore maintenant (WHI, étude de Hannah sur le siège), nous sommes revenus à un juste équilibre entre l’EBM et l’expérience-based médecine.
2. Accélération des avancées technologiques et pharmacologiques permettant une moindre invasivité des procédures chirurgicales, une accélération des réhabilitations et un plus grand usage de l’ambulatoire.
3. Une tension éthique de plus en plus nette entre le principe de bienfaisance et l’autonomie des patients, tension illustrée par l’irruption des débats sociétaux.
Quelles sont selon vous les orientations futures de la gynécologie ?
• En obstétrique, une dichotomie entre l’exigence de sécurité parfaite et la demande de physiologie. Je vois une plus grande place au métier de sage-femme avec des maisons de naissance accolées à de grandes structures.
• En chirurgie, développement des relais à domicile, et de la télémédecine.
• En médecine de la reproduction, accentuation de la sortie du champ de l’AMP pour arriver à la prévention du risque génétique et à la médecine régénérative.
• De manière générale, la médecine prédictive, les algorithmes et l’usage d’intelligence artificielle vont se développer.
• La gynécologie gériatrique (4ème et 5ème âge) nécessitera d’être bien défi nie avec l’arrivée en masse des babyboomers.
• Je vois en corollaire une tension maximale du système de couverture de la santé en raison de cette évolution démographique.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
Ma meilleure expérience, c’est d’abord le souvenir de tous mes maîtres, René LAMBOTTE de Liège et tant d’autres. C’est aussi le souvenir des anciens internes ou externes à qui j’ai pu transmettre cette passion pour notre métier.
C’est toutes ces histoires de vie et de décisions partagées que les patient(e)s nous rappellent avec reconnaissance. C’est aussi parfois des histoires douloureuses pour lesquelles les patient(e)s montrent une résilience incroyable et nous le font savoir.
J’attribue ma palme personnelle à la fois où j’ai fait pour la première fois l’accouchement d’une fille que j’avais fait naître. Coup de vieux !
Quelle a été votre principale déception ?
Le système de santé Français fonctionne plutôt bien et est envié par de nombreux pays.
De manière générale, je déplore que la France soit une utilisatrice tardive des progrès validés au niveau international en particulier en médecine de la reproduction du fait des procédures d’adoption par le législateur.
Plusieurs produits ou procédures qui ont fait la preuve de leur efficacité ne peuvent être utilisés du fait du principe de précaution.
Il semblerait que le principe de précaution inclut dans sa définition l’impossibilité d’être amendé par des données nouvelles ou une biblio-vigilance. C’est dommage !
Quels sont vos espoirs ?
Que notre pratique reste celle que l’on retrouve dans les papyrus Egyptien, chez Hippocrate, chez Maimounide et chez tant d’autres : Soigner l’humain avec au coeur l’exigence éthique et les moyens de bien conduire cette mission.
Jean-Marc MAYENGA
Praticien Hospitalier, Gynécologie-Obstétrique et médecine de la reproduction
hôpital de Saint-Cloud 92210
Jm.mayenga@ch4v.fr
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