QUAND, POURQUOI, COMMENT ET A QUI LA PRESCRIRIEZ-VOUS ?
Le dispositif Essure utilisé par voie hystéroscopique rend facile la stérilisation tubaire tout en apportant bonne tolérance et satisfaction des patientes. Cette méthode s’adresse surtout lorsque les autres contraceptions sont mal tolérées ou contre-indiquées.
Bien que pratiquée depuis plus d’un siècle dans le monde, ce n’est que depuis 2001 que la stérilisation tubaire (ST) à visée contraceptive est légalisée en France(1). A travers le monde, 150 millions de femmes optent chaque année pour une ST comme moyen de contraception définitive.
QUAND ?
Suite à l’arrêté du 31 octobre 2012, il n’existe plus de limite d’âge pour bénéficier du remboursement d’une ST. Toute femme majeure peut bénéficier d’une ST après avoir réalisé 2 consultations. La première consultation permet une information sur les différentes modalités de ST, les alternatives contraceptives, l’irréversibilité de la procédure et le délai légal incompressible de 4 mois de réflexion. Un livret résumant les informations fournies à la patiente lui sera remis. La deuxième consultation permet de redonner des informations, de répondre aux éventuelles questions et d’organiser la procédure si la patiente confirme sa demande.
POURQUOI ?
Le choix d’une méthode de contraception est très variable d’un pays ou d’une culture à l’autre, faisant intervenir des facteurs sociaux, économiques, religieux, culturels et personnels(2). L’étude ESTHYME mettait en évidence que la décision de ST était un choix personnel, un choix conjugal, ou une suggestion extérieure dans 62%, 33% et 23% des cas. Une discussion au sein du couple entre une stérilisation féminine et masculine était observée dans 38% des cas(3).
Une étude sur les motivations des patientes à recourir à une ST retrouvait que pour 46% des patientes, il s’agissait des effets secondaires de leurs méthodes contraceptives (oubli de pilule, mauvaise observance, prise de poids, saignements, contrainte liée aux préservatifs). Dans 22% des cas, elles en avaient assez des contraceptions en général et de leurs contraintes en particulier, et elles souhaitaient ne plus avoir à s’en préoccuper. Dans 12% des cas, une contre-indication à une méthode contraceptive avait motivé le choix (accident vasculaire cérébral, chirurgie cardiaque…). Dans 10 % des cas, un échec de contraception ayant entrainé une grossesse et une interruption volontaire de grossesse était à l’origine de ce choix. Dans 8% des cas, il s’agissait d’un simple désir d’une contraception définitive sans autre argumentation(4).
Enfin, il s’agit d’une méthode extrêmement efficace, les échecs étant très rares.
COMMENT ?
La cœlioscopie a longtemps été la voie d’abord privilégiée pour la ST, mais avec l’arrivée en 2002 du dispositif Essure® (Bayer, Leverkusen, Allemagne), la voie hystéroscopique a très largement supplanté la coelioscopie. Les principaux critères du choix des patientes en faveur de la ST par Essure® étaient l’absence d’anesthésie, d’incision et de cicatrice, la rapidité de la procédure et la récupération immédiate des activités quotidiennes(3).
La technique de ST par hystéroscopie a évolué ces dernières années avec une démédicalisation de la procédure entrainant une grande tolérance et un haut niveau de satisfaction des patientes(5-7). Cette démédicalisation permet un transfert de la ST du bloc opératoire dans une salle spécifique dédiée aux gestes mini-invasifs. La patiente n’est plus laissée à jeun. Elle sera en première partie de cycle, idéalement sous contraception et avec un dosage de BHCG négatif datant de moins de 48h. Une prémédication est prise 1 à 2 heures avant l’acte par la patiente (suppositoire de Profenid® 100mg, 1g de paracétamol). Si les locaux le permettent, la patiente peut arriver en marchant en tenue spécifique jusqu’à la salle. Aucune perfusion n’est mise en place. Une désinfection préalable au geste est réalisée par des antiseptiques locaux (Dakin® préféré à la Bétadine®). L’introduction de l’hystéroscope se fait selon la technique de Betocchi (vaginoscopie), et la distension utérine est réalisée à l’aide de sérum physiologique chauffé à 37°C placé en hauteur pour avoir un effet de vase communiquant permettant une distension utérine progressive sans douleur. Puis les 2 implants sont posés en laissant 3 à 8 tours de spire dans la cavité utérine. En fin d’intervention (8 à 10 minutes environ), la patiente peut se relever, se rhabiller et repartir en marchant dans une salle adjacente pour se reposer. La patiente pourra prendre 1 comprimé de phloroglucinol en cas de douleur. Elle poursuivra une contraception jusqu’à la visite de contrôle à 3 mois, les implants n’étant efficaces qu’après ce délai (installation de la fibrose péri-prothétique). Cette organisation de la pose d’Essure® permet d’éviter une hospitalisation en chirurgie ambulatoire, un arrêt de travail (reprise des activités dans les 3 heures) et réduit encore le coût de l’acte(8, 9).
Photo post largage de l’implant avec 3 tours de spire dans la cavité utérine
Cette procédure sans anesthésie nécessite donc une organisation matérielle ainsi qu’un personnel infirmier formé à cette technique. Cette organisation impose également une bonne information préalable des patientes quant aux sensations ressenties au cours du geste (passage de l’orifice interne du col, pose des implants). Une étude française retrouvait une douleur maximale moyenne ressentie par les patientes lors de l’intervention de 4,9 sur une échelle visuelle analogique (0–9), et une douleur moyenne en fin d’intervention de 1,9 (0–8,5)(4).
Dans tous les cas, la procédure doit être réalisée par des praticiens formés à cette technique (courbe d’apprentissage). La qualité de la procédure opératoire conditionne à la fois le succès de la méthode et la limitation du risque de complications.
La patiente sera revue à 3 mois avec un ASP de face afin de contrôler le bon positionnement des dispositifs Essure®. Des modifications dans le contrôle du bon positionnement des implants sont apparues puisque l’ASP peut être remplacé par une échographie 2D ou 3D permettant une meilleure confirmation du positionnement des implants et un moindre recours à une hystérosalpingographie(10).
Quoi qu’il en soit, le principal problème du contrôle à trois mois reste son observance qui très variable. Il serait réalisé dans moins de 50% des cas en l’absence de politique volontariste (rendez-vous donné le jour de la pose, rappel 8 jours avant, vérification de la réalisation de l’ASP, relance si absence au rendez-vous) qui permettrait d’obtenir plus de 90% de contrôles effectifs. Pour autant, 5 à 7% des patientes n’effectueront jamais le contrôle malgré l’information et les relances, ce qui serait responsable d’un tiers des grossesses observées(11).
Échographie pelvienne par voie endo-vaginale en coupe axiale montrant le bon positionnement des implants en continuité avec la cavité utérine sur un même cliché.
A QUI ?
Le 31 octobre 2007, la Haute Autorité de Santé se prononçait sur la ST et précisait qu’Essure® présentait un intérêt dans la prévention des grossesses non désirées chez la femme autour ou après 40 ans. Essure® peut être proposé comme technique de ST en première intention. En France, pays à forte tradition nataliste, ces différentes recommandations permettent d’expliquer un âge moyen lors de la ST autour de 40 ans alors qu’au Nord de l’Europe celui-ci se situe entre 28 et 35 ans. L’une des premières préoccupations concernant ce choix «contraceptif» est de limiter le risque de regret qui peut être évalué autour de 6% des femmes qui vont demander une reperméabilisation dans les 5 ans qui suivent la ST(12,13). Ce faible taux de regret français pourrait évoluer du fait de la décision de remboursement (décret de novembre 2012) de l’acte de ST par voie hystéroscopique chez les patientes de moins de 40 ans. On voit ainsi apparaitre actuellement un groupe de femmes trentenaires ne souhaitant pas d’enfant et demandant à accéder à une ST(3). Il est souhaitable d’essayer de comprendre et d’évaluer le refus/désir d’enfant chez ces patientes. La restriction d’âge n’étant plus retenue, il est fondamental qu’une information claire et exhaustive soit fournie aux patientes afin d’éviter les regrets. Cette information doit également concerner les moyens de contraception à longue durée d’action (stérilets, implants), peu utilisés en France, et qui constituent une bonne alternative à la ST chez certaines patientes même s’il est important de laisser le choix aux patientes et ne pas envisager la ST comme le dernier recours. Cependant, certaines femmes présentent des contre-indications aux différents moyens usuels de contraception ou une contre-indication à la grossesse (pathologie chronique évoluée) et peuvent être de bonnes candidates à la ST.
L’âge est le facteur déterminant des regrets post-ST nécessitant une chirurgie pour réversion ou le recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Les patientes de moins de 30 ans expriment des regrets dans 20% des cas contre 5,9% pour celles de plus de 30 ans(14). Certaines équipes font le choix d’une cœlioscopie avec pose de clips pour les femmes les plus jeunes, la reperméabilisation tubaire permettant d’obtenir de meilleurs taux de grossesse que l’AMP en cas de regret(15). La ST au cours de la césarienne ou dans le post-partum est également un facteur de risque de regret. Mais la ST hystéroscopique pouvant être réalisée facilement à distance d’un accouchement, sans nouvelle intervention, elle a modifié le timing de la ST dans le post-partum et a permis de diminuer le taux de regret de cette catégorie de patientes.
Un autre groupe spécifique de patientes souhaitant une ST concerne les femmes en périménopause, sous traitement hormonal (progestatif ou œstro-progestatif) pour un syndrome prémenstruel, des mastodynies, de l’adénomyose, des fibromes ou des hémorragies utérines fonctionnelles … Ces patientes souhaitent souvent une ST pour arrêter ces traitements, mais les implants Essure® n’ayant aucune action hormonale, les symptômes peuvent reprendre à l’arrêt des traitements. Ces patientes ne sont donc pas nécessairement de bonnes candidates à la ST même s’il est possible aujourd’hui de combiner ST Essure® et gestes hystéroscopiques (thermablation endométriale, résection de fibromes). L’interrogatoire et l’information préalables sont fondamentaux dans ces cas.
Enfin, les contre-indications classiques doivent être respectées : saignements anormaux non explorés, antécédents de chirurgie tubaire, d’infection génitale haute ou de malformation utérine non documentés, patientes présentant une allergie sévère au Nickel.
La démédicalisation de la ST par hystéroscopie est une grande avancée pour les femmes. Cependant, l’absence d’âge limite doit nous rendre vigilant quant aux indications. L’information préalable doit être précise et complète pour éviter les regrets post-ST. La procédure doit être réalisée dans de parfaites conditions techniques, par un praticien rompu aux techniques d’hystéroscopie et spécifiquement formé à la pose de ces implants afin de limiter le risque d’échec et de complications.
Émilie Raimond – Chef de clinique, Département de Gynécologie-Obstétrique, CHU, Reims
Olivier Graesslin – Professeur, Département de Gynécologie-Obstétrique, CHU, Reims
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt pour cet article
RÉFÉRENCES
1. www.legifrance.gouv.fr. («Stérilisation à visée contraceptive». Loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Article 26 L. 2123-1 et 2123-2, chapitre III, titre II. [Internet]. Available from: www.legifrance.gouv.fr
2. Boufettal H, Mahdaoui S, Samouh N. Facteurs déterminants le regret après ligature tubaire. Pan Afr Med J [Internet]. 2014 [cited 2015 Dec 18];17. Available from: http://www.panafrican-med-journal.com/content/article/17/244/full/
3. Scarabin C, Dhainaut C. [The ESTHYME study. Women’s satisfaction after hysteroscopic sterilization (Essure micro-insert). A retrospective multicenter survey]. Gynécologie Obstétrique Fertil. 2007 Nov;35(11):1123–8.
4. Ploteau S, Haudebourg M, Philippe H-J, Lopes P. [Hysteroscopic sterilization among women older than forty years: what motivated the women?]. Gynécologie Obstétrique Fertil. 2009 Oct;37(10):775–9.
5. Friederich L, Chis C, Panel P. [How I perform… a hysteroscopy with Essure micro-insert placement by vaginoscopy]. Gynécologie Obstétrique Fertil. 2008 Dec;36(12):1239–40.
6. Rufenacht E, Roesch M, Courjon M, Maillet R, Ramanah R, Riethmuller D. [Evaluation of satisfaction after hysteroscopic tubal ligation. About a study from the CHU of Besançon]. Gynécologie Obstétrique Fertil. 2015 Feb;43(2):176–80.
7. Arjona JE, Miño M, Cordón J, Povedano B, Pelegrin B, Castelo- Branco C. Satisfaction and tolerance with office hysteroscopic tubal sterilization. Fertil Steril. 2008 Oct;90(4):1182–6.
8. Hopkins MR, Creedon DJ, Wagie AE, Williams AR, Famuyide AO. Retrospective cost analysis comparing Essure hysteroscopic sterilization and laparoscopic bilateral tubal coagulation. J Minim Invasive Gynecol. 2007 Feb;14(1):97–102.
9. Levie MD, Chudnoff SG. Office hysteroscopic sterilization compared with laparoscopic sterilization: a critical cost analysis. J Minim Invasive Gynecol. 2005 Aug;12(4):318–22.
10. Legendre G, Gervaise A, Levaillant J-M, Faivre E, Deffieux X, Fernandez H. Assessment of three-dimensional ultrasound examination classification to check the position of the tubal sterilization microinsert. Fertil Steril. 2010 Dec;94(7):2732–5.
11. Levy B, Levie MD, Childers ME. A summary of reported pregnancies after hysteroscopic sterilization. J Minim Invasive Gynecol. 2007 Jun;14(3):271–4.
12. Wilcox LS, Chu SY, Eaker ED, Zeger SL, Peterson HB. Risk factors for regret after tubal sterilization: 5 years of follow-up in a prospective study. Fertil Steril. 1991 May;55(5):927–33.
13. Wilcox LS, Chu SY, Peterson HB. Characteristics of women who considered or obtained tubal reanastomosis: results from a prospective study of tubal sterilization. Obstet Gynecol. 1990 Apr;75(4):661–5.
14. Hillis SD, Marchbanks PA, Tylor LR, Peterson HB. Poststerilization regret: findings from the United States Collaborative Review of Sterilization. Obstet Gynecol. 1999 Jun;93(6):889–95.
15. Fernandez H, Legendre G, Blein C, Lamarsalle L, Panel P. Tubal sterilization: pregnancy rates after hysteroscopic versus laparoscopic sterilization in France, 2006-2010. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2014 Sep;180:133–7.
Article paru dans le Genesis N°188 (février/mars 2016)
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