L’épidémie de SARS-CoV-2 a fortement perturbé la continuité des soins. Les soins non essentiels ont été largement déprogrammés en particulier lors du premier confinement du 14 mars au 11 mai 2020 en France. Les centres d’AMP ont dû faire preuve de résilience et adaptabilité pour répondre aux contraintes leur permettant une réouverture. L’Agence de la biomédecine a émis des recommandations régulièrement actualisées sur les activités d’assistance médicale à la procréation (AMP), dont la dernière version en date du 2/02/20211,2,3.
1) Retard de prise en charge des patients
Les centres d’AMP ont dû cesser complètement leur activité du 17/03 au 11/05/2020, il en est de même pour la chirurgie de l’infertilité. Notre centre a pu ensuite reprendre son activité médicale et chirurgicale à 30% jusqu’au premier septembre puis à 100% ensuite.
Des délais ont également été observés pour tous les examens complémentaires nécessaires à la prise en charge, totalement interrompus pendant 2 mois, puis plus difficilement accessibles ensuite. Nous avons dû arrêter au sein de notre service notre « one day fertility » journée où tous les examens nécessaires à la PMA étaient réalisés pour faciliter les démarches aux couples infertiles. A ce jour, afin de respecter les mesures sanitaires de distanciation sociale, ces journées n’ont pas pu reprendre. Ainsi des délais ont été rapportés pour toutes les techniques de prise en charge en AMP. Le délai moyen est estimé à environ 6 mois mais il n’est pas rare de voir des patientes notamment pour indications chirurgicales pousser la porte de nos consultations un an plus tard… La fermeture des centres de PMA a particulièrement impacté les patientes devant bénéficier d’une préservation de la fertilité dans le cadre d’une prise en charge carcinologique. Les délais ont également touché les patientes proches de l’âge limite de prise en charge. Un assouplissement a néanmoins été obtenu jusqu’en décembre 2020 pour les patientes ayant eu 43 ans cette année-là. Il est difficile d’évaluer l’e et négatif de 6 mois de retard de prise en charge sur les taux de succès de l’AMP. Pour les patientes avec une réserve ovarienne basse, un e et péjoratif est très probable. De plus, suite au premier confinement, les patientes à risque de développer une forme grave de COVID-19 (BMI>30, ATCD neurologiques, cardiaques, thromboemboliques, pathologies lourdes, etc..) ont été initialement récusées. Les couples ont progressivement pu être pris en charge à partir de septembre 2020. Un certain nombre de couples ont préféré d’eux même décaler leur prise en charge en AMP, par peur de contracter le COVID en venant à l’hôpital et des répercussions sur une potentielle grossesse.
Paradoxalement, des cas de grossesses spontanées chez des couples en cours de prise en charge en AMP ont été observés lors du premier confinement allant jusqu’à 8% dans certains centres italiens4 , pointant des infertilités idiopathiques mal explorées ou la part de la fréquence des rapports sexuels pourrait avoir un rôle non négligeable.
2) Aménagement des services d’AMP
De nombreux aménagements ont été réalisés pour diminuer les risques de contaminations et permettre de redémarrer une activité malgré la Covid-19. Hormis les gestes barrières et les mesures de désinfection renforcées, les téléconsultations ont été développées5
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Elles sont la règle toujours aujourd’hui sauf pour les consultations pré-opératoires ou celles servant à remettre et expliquer les ordonnances de traitements.
Des téléconsultations infirmières ont été également mises en place pour l’explication des injections. Afin d’éviter une présence trop importante en salle d’attente, les patientes ont des créneaux de rendez-vous fixes pour les échographies et les bilans réalisés en cours de stimulation. Elles doivent répondre à un questionnaire de recherche de symptômes de la Covid-19, à toutes les étapes du parcours de soins. Le conjoint, en dehors du jour de ponction, n’est plus présent lors des différents rendez-vous ni lors du transfert alors que leur présence était obligatoire jusqu’alors. Toutes les patientes bénéficient 48h avant la ponction ou une chirurgie, d’un test PCR. Si celui-ci est positif et la patiente asymptomatique ou avec symptômes non sévères, la prise en charge est décalée 15 jours plus tard, 3 mois en cas de symptômes sévères. Si la patiente est cas contact, sa prise en charge est décalée d’une semaine après une nouvelle PCR négative. Si le conjoint est PCR+, la prise en charge est décalée de 3 mois si fièvre et symptômes sévères, de 15 jours en cas de symptômes non sévères sans fièvre et en cas d’embryons congelés. L’augmentation des tâches administratives et des mesures de désinfection pour le personnel de santé liées à la Covid-19 et aux téléconsultations sont très chronophages pour les équipes.
3) Infection COVID 19 et fertilité
L’impact de l’infection à COVID 19 sur la qualité des gamètes est mal connu. Si les premières données semblent rassurantes des études de plus grande ampleur sont nécessaires afin d’appuyer ces résultats6. Tous nos patients avec infection COVID 19 connue ont été tracés et sont suivis.
4) Impact psychologique
L’impact psychologique des retards de prise en charge est grand sur des couples déjà en situation de détresse psychologique face à une infertilité qui dure parfois depuis de nombreuses années7.
Devoir attendre sonne comme une injonction paradoxale pour ces couples auxquels on ne cesse de dire que le temps presse. Ceci a été particulièrement mal vécu par les patientes récusées pour une pathologie à risque de forme grave de Covid-19 et celles avec une réserve ovarienne basse ou un âge limite. De plus, privée de son conjoint, manquant de contact avec le personnel soignant et de soutien psychologique, la solitude des patientes grandit alors que les incertitudes liées au risque de transmission materno-fœtal et de formes maternelles graves de Covid-19 augmentent leur anxiété.
En conclusion
La prise en charge en AMP a subi de plein fouet la Covid-19. Non essentielle, elle a été totalement arrêtée pendant 2 mois puis fortement ralentie pendant 6 mois. Grâce aux mesures barrières renforcées, aux aménagements des services d’AMP et aux dépistages systématiques avant ponction, l’activité a pu reprendre son cours. L’impact des délais induits sur les résultats des FIV sont probables bien que difficilement quantifiables en particulier pour les patientes qui n’ont pu bénéficier d’une préservation de la fertilité pour cancer et celles avec une réserve ovarienne altérée ou proches de l’âge limite de prise en charge. La détresse psychologique induite pour les couples est une autre conséquence non négligeable. Un soutien supplémentaire devrait leur être apporté.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts envers cet article
Marie Carbonnel, Service de Gynécologie Obstétrique et Médecine de la Reproduction du Pr Ayoubi, Hôpital Foch, Suresnes
RÉFÉRENCES
1. Informations concernant les risques liés au nouveau coronavirus le SARS-CoV-2 (ex 2019-nCoV) et aux activités d’AMP, Agence de la biomédecine, 28 février 2020 Prise en charge des patients en AMP dans le cadre de l’épidémie du coronavirus SARS-CoV-2, Agence de la biomédecine, 12 mars 2020 Recommandations concernant les activités d’assistance médicale à la procréation (AMP) durant l’épidémie de SARSCoV-2, Agence de la biomédecine, 25 mars 2020 Recommandations sur les modalités de reprise des activités d’assistance médicale à la procréation en contexte de circulation du SARS-CoV-2, Agence de la biomédecine, version 1 du 13 mai 2020 et version 2 du 17 juin 2020 Recommandations sur les activités d’assistance médicale à la procréation en contexte de circulation du SARS-CoV-2, Agence de la biomédecine, version 3 du 30 juillet 2020
2. Recommandations sur les activités d’assistance médicale à la procréation en contexte de circulation du SARS-CoV-2, Agence de la biomédecine, version 4 du 6 octobre 2020
3. Recommandations sur les activités d’assistance médicale à la procréation en contexte de circulation du SARS-CoV-2, Agence de la biomédecine, version 5 du 2 février 2021
4. Spontaneous pregnancies among infertile couples during assistedreproduction lockdown for COVID-19 pandemic. Villani MT, Morini D, Spaggiari G, Simoni M, Aguzzoli L, Santi D.Andrology. 2021 Jan 11.
5. Managing an obstetrics and gynaecology department in time of COVID pandemic: safety and efficacy first at Foch hospital.Murtada R, Carbonnel M, Revaux A, de Ziegler D, Ayoubi JM.Eur J Contracept Reprod Health Care. 2020 Aug;25(4):321-322.
6. It is currently unknown whether SARS-CoV-2 is viable in semen or whether COVID-19 damages spermatozoa. Perry MJ, Arrington S, Neumann LM, Carrell D, Mores CN.Andrology. 2021 Jan;9(1):30-32
7. Fertility patients under COVID-19: attitudes, perceptions and psychological reactions. Ben-Kimhy R, Youngster M, Medina-Artom TR, Avraham S, Gat I, Marom Haham L, Hourvitz A, Kedem A.Hum Reprod. 2020 Dec 1;35(12):2774-2783.
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