Depuis le XVIème siècle, tout le monde sait ce qu’est une ballerine : c’est bien sûr une danseuse de ballet. C’est facile. L’affaire est entendue.
Ça s’est corsé au XXème siècle, à partir des années 30 quand, arrivé en Australie, un cordonnier émigré d’Europe de l’est, amoureux de danse et de musique, qui fabriquait des chaussons de danse classique, eut l’idée de créer un modèle de chaussure légère, échancré, inspiré du chausson de danse initial, destiné au grand public. Il le baptisa : ballerine ! Succès local au début, ce fut à partir des années 50, et c’est toujours, un tube planétaire maintes fois copié.
Nous voilà donc depuis cette époque avec deux homonymes homophones de sens différent connus de tous : la danseuse d’une part, la chaussure d’autre part.
Comme vous le savez, la liste s’est rallongée !
Au début du XXIème siècle, fin des années 2010, apparut en e et un troisième larron dont la naissance fut annoncée dans une étude suisse fort sérieuse.
Il fut baptisé Ballerine par ses géniteurs. Ce nouvel arrivant dans la liste désignait en fait un stérilet composé de billes de cuivre sur une armature sphérique.
C’était donc un homonyme homophone du genre masculin : un Ballerine !
Face à une appellation d’une telle originalité, à un tel sommet de créativité, on ne peut qu’être admiratif du travail de brainstorming des marketeurs, des brand managers et autres art directors certainement réalisé par les plus fameuses des agences de pub. Atteindre un résultat aussi percutant et innovant a dû faire pâlir d’envie l’ensemble de la communauté des contraceptifs locaux métallisés.
Bref, Ballerine, ballerine ou ballerine ? Attention à ne pas se mélanger les baskets. La majuscule fait désormais la différence.
Et si je peux me permettre un conseil : attention à l’orthographe dans vos dossiers.
Danseuse, chaussure ou stérilet, un quiproquo peut arriver vite fait en consultation.
Ainsi un « Chère madame, permettez-moi de vérifier votre ballerine » risquera illico de faire de vous un suspect d’agression fétichiste et de vous attirer les foudres de #BalanceTonPorc, #MeToo et autres tribunaux populaires en ligne.
Et même de vous conduire en Correctionnelle, surtout si vous êtes de sexe masculin (quoique…).
Pourtant, il n’est pas dit que la menace judiciaire que l’on voit planer au-dessus de nos têtes se poursuive encore longtemps. Une lueur d’espoir se fait jour au bout du spéculum.
Tout récemment, en août dernier, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (qu’on imaginait à tort somnolente en ces mois d’été) avait publié un communiqué dans lequel elle lançait une alerte de vigilance en raison du risque non négligeable d’expulsion spontanée de ce stérilet (Ballerines trop petits ?). Elle suspendait provisoirement sa distribution dans l’attente d’informations complémentaires. D’autres agences européennes similaires lui emboîtèrent le pas et entrèrent également dans la danse.
Alors soyons optimistes. Bientôt sans doute finis les risques d’embrouille !
Ça va ça vient. Les ballerines danseront encore, les ballerines se porteront encore, les Ballerines c’est moins sûr.
Joël CRÉQUAT,
Centre Péreire, Paris, 17 ème
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