La préservation de la fertilité repose sur une collaboration des spécialistes de la fertilité, des biologistes, des oncologues, des uro-andrologues et des pédiatres. Les pistes d’amélioration reposent sur une limitation des traitements gonadotoxiques grâce aux thérapies ciblées, une meilleure connaissance des marqueurs de la qualité ovocytaire, et une amélioration des techniques de préservation des cellules primordiales du tissu ovarien.
INTRODUCTION
La terminologie de préservation de la fertilité est passée dans le langage courant. Pourtant ce sont des ovules, spermatozoïdes, embryons, fragments d’ovaires ou de testicules qui sont conserves, donnant seulement un espoir de fertilité ultérieure.
On devrait plutôt parler de préservation d’une fertilité potentielle
Son cadre légal a été apporte par la révision de la Loi du 6/8/2004 et par le décret du 22/12/2006, la faisant passer de la recherche aux soins courants.
Trois principaux champs d’application peuvent être distingués :
➢ Les risques pour la fertilité de traitements urgents liés à la découverte d’un cancer,
➢ Les risques non oncologiques d’altération de la fertilité,
➢ La préservation sociétale de la fertilité.
ONCOFERTILITÉ
Plusieurs évolutions concourent à augmenter la demande de fertilité ultérieure :
➢ La fréquence croissante des cancers chez les sujets jeunes, en particulier du sein, de la thyroïde, des mélanomes et des lymphomes chez la femme entre 20 et 39 ans,
➢ L’allongement de la survie du fait des progrès oncologiques,
➢ L’élévation de l’âge à la première grossesse, en moyenne entre 28 et 30 ans, et 20% après 35 ans,
➢ La qualité de vie ultérieure, dont la fertilité constitue un élément clé, avec une légitime préférence pour une filiation biologique,
➢ Les progrès de l’AMP, notamment de la vitrification.
Le risque de stérilité après la chimiothérapie et / ou radiothérapie dépend de l’âge de la femme, de sa réserve ovarienne et du type de traitement déjà reçu ou prévu. Les circonstances les plus a risque par toxicité directe sur la réserve ovarienne sont les agents alkylants, la radiothérapie pelvienne ou totale, et l’intensification avant greffe de moelle. Le platine et les taxanes sont à risque moins élevé. Un effet mutagène sur l’ADN des gamètes doit également être pris en considération, posant la question du délai d’attente après une chimiothérapie lorsque la fertilité naturelle persiste.
L’évaluation de la fonction ovarienne repose sur plusieurs critères :
➢ L’AMH plasmatique est un reflet du nombre de follicules en croissance, mais pas de leur qualité ni encore moins de la fertilité. Elle baisse sous chimiothérapie et peut remonter après les traitements sans alkylants ne touchant que les follicules en croissance (ABVD), moins souvent après agents alkylants qui altèrent les follicules primordiaux.
➢ Le compte des follicules antraux : il n’est pas toujours possible le 3e jour du cycle ni par échographie vaginale si la patiente est vierge.
➢ L’existence ou non d’une aménorrhée définitive post-traitement, critère grossier et tardif.
➢ La survenue de naissances vivantes après la guérison du cancer : c’est le meilleur critère, mais son absence mélange les infertilités persistantes et les non-désir de grossesse.
Plusieurs méthodes sont proposées pour préserver la fertilité féminine avant le traitement d’un cancer :
➢ Une transposition ovarienne, pour placer les ovaires en dehors du champ d’une irradiation pelvienne prévue,
➢ Un cycle unique de FIV après stimulation débutée quelle que soit la date du cycle, a dose élevée (300 UI de FSH par jour) en protocole antagoniste, avec déclenchement par agoniste de la GnRH et congélation :
– soit d’embryons : technique la plus ancienne et validée, mais ne s’adressant qu’aux femmes adultes en couple stable avec un projet parental à court terme, car elle crée un lien irréversible entre les partenaires, ne permettant pas d’utilisation des embryons en cas de séparation ultérieure,
– soit plutôt d’ovocytes matures pour les femmes non en couple, sans désir de grossesse immédiat ou préférant la congélation isolée de leurs gamètes. En don d’ovocytes, la vitrification donne des résultats supérieurs a ceux de la congélation lente et équivalents a ceux des ovocytes frais : 4,5 à 12% de grossesse par ovocyte décongelé. En fonction de l’âge, 12 à 15 ovocytes matures sont cependant nécessaires pour espérer véritablement une grossesse, objectif difficile à atteindre en un seul cycle.
➢ Un recueil d’ovocytes immatures en cycle spontané, maturation in vitro et congélation d’ovocytes ou d’embryons : développée pour les ovaires polykystiques avec risque d’hyperstimulation, cette méthode est seule possible en cas de contre-indication à la stimulation ovarienne ou de traitement oncologique urgent, ne laissant pas le temps d’un cycle stimule. Elle peut être associée dans le même temps opératoire a :
➢ Une congélation partielle d’ovaire prélevé par cœlioscopie, avec découpe en fragments d’un mm d’épaisseur du cortex qui contient les follicules primordiaux résistant à la congélation. Leur utilisation ultérieure est possible par autogreffe, le plus souvent orthotopique dans la fossette ovarienne, ou hétérotopique, au niveau du bras ou en sus-pubien avec prélèvements ovocytaires en vue de FIV. En cas de risque de recontamination par des cellules cancéreuses, la seule solution est la maturation in vitro de follicules primordiaux isoles, encore expérimentale.
➢ D’autres méthodes font l’objet de recherches et posent des problèmes techniques et / ou éthiques : congélation d’ovaire entier, xenotransplantation, ovaire artificiel.
Les indications respectives entre ces différentes méthodes dépendent de l’âge de la femme, de sa réserve ovarienne, de la situation en couple ou non, du type de cancer (type histologique, stade, mode de dissémination, pronostic), et des traitements déjà faits et prévus.
Certaines limites et contre-indications s’imposent : femme de 40 ans et plus, insuffisance ovarienne marquée, mauvais pronostic du cancer, grossesse ultérieure contre-indiquée ou peu envisageable (hystérectomie ou irradiation importante de l’utérus). La perte de la fertilité pouvant s’avérer plus difficile a accepter que la découverte du cancer, la possibilité d’un don d’ovocytes doit être évoquée d’emblée.
Pendant le traitement du cancer, un blocage ovarien est largement proposé par oestroprogestatifs ou macroprogestatifs associés à un analogue retard de la GnRH. Ils assurent une contraception et entraînent une aménorrhée, évitant les hémorragies sous chimiothérapie. La protection des follicules en croissance par blocage de la FSH endogène est plus aléatoire, puisque la sortie du pool primordial est indépendante de la FSH. L’avenir repose sur une meilleure connaissance des mécanismes d’action de la chimiothérapie et de la radiothérapie sur l’apoptose, et des anti-apoptotiques cibles, dont l’AMH récemment expérimentée chez la souris.
Préservation de la fertilité chez l’homme : la congélation d’un ou si possible plusieurs échantillons de sperme doit être systématiquement proposée avant tout traitement oncologique potentiellement stérilisant.
Préservation de la fertilité chez l’adolescent pubère :
➢ Chez le garçon : masturbation ou électroéjaculation et congélation de spermatozoïdes.
➢ Chez la fille : FIV avec recueil d’ovocytes matures (posant le problème de la virginité pour le prélèvement), ou prélèvement d’ovocytes immatures et/ou de cortex ovarien en cas d’urgence ou de contre-indication à la stimulation ovarienne.
Préservation de la fertilité chez l’enfant pré-pubère : congélation de prélèvements testiculaires ou ovariens.
INDICATIONS NON ONCOLOGIQUES DE PRÉSERVATION DE LA FERTILITÉ
Elles se discutent dans des contextes moins urgents :
➢ Traitement par Temodal,
➢ Kystes ovariens : endométriomes, kystes dermoides bilatéraux récidivants,
➢ Sclérose en plaques traitée par Endoxan,
➢ Maladies auto-immunes avec traitement gonadotoxique : lupus, sclerodermie, vascularites,
➢ Greffes de moelle pour drepanocytose homozygote,
➢ Risques d’insuffisance ovarienne ou testiculaire prématurée d’origine génétique : Turner, Klinefelter.
PRÉSERVATION SOCIÉTALE DE LA FERTILITÉ
Elle n’est actuellement autorisée en France que dans le cadre des dons de gamètes par des personnes sans enfant. Au moins 5 ovocytes sont attribues en priorité au don, n’en laissant que 3 à 5 au mieux pour la donneuse. Plusieurs dons successifs sont donc nécessaires pour espérer en obtenir une naissance vivante. Des arguments sont avances en faveur d’un élargissement de cette réglementation :
➢La congélation de sperme est largement proposée chez l’homme en cas de problème de recueil ou d’altération débutante du sperme.
➢ La congélation d’ovocytes permet de concevoir ultérieurement ses propres enfants génétiques, sans recours au don : elle réduit la demande de don d’ovocytes et augmente l’offre si les ovocytes « sociétaux » non utilises sont donnes a d’autres femmes.
➢ Dans les pays ou elle a été autorisée, la demande de préservation sociétale est restée limitée.
CONCLUSION
L’organisation de la préservation de la fertilité en France passe par des plateformes multidisciplinaires : spécialistes de la fertilité, biologistes, oncologues, uro-andrologues, pédiatres. En oncofertilité, l’urgence nécessite une information approfondie, des décisions coordonnées rapides et une flexibilité des programmes de prise en charge. Les pistes de recherche comportent en particulier :
➢ une limitation des traitements gonadotoxiques par des thérapies ciblées individualisées,
➢ une meilleure connaissance de l’apoptose et des marqueurs de la qualité ovocytaire,
➢ une amélioration des techniques de préservation et de folliculogenese in vitro à partir des cellules primordiales du tissu ovarien.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article
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