Les autorités de santé ont ouvert en 2013 une crise dite la «crise française des pilules» qui a profondément bouleversé et les médecins et les femmes en matière de prescription de contraceptifs hormonaux.
Les conséquences de cette crise ne sont pas encore toutes connues (nombre potentiel d’IVG supplémentaires, morbidité supplémentaire consécutive à l’augmentation de la pose des DIU, image globale négative de la contraception en général, méfiance encore renforcée envers les praticiens, augmentation des plaintes – justifiées ou non.
L’Agence Européenne n’a pas suivi la plupart des recommandations (Genesis 176) de l’Agence Française et lui a même imposé le retour de Diane 35®. Un nouveau paysage de prescription des contraceptifs estro-progestatif est cependant maintenant en train de se mettre place dans notre pays: «check liste» à remplir à chaque consultation de contraception par pilule EP, avertissements délivré aux femmes au moment de la délivrance de leur pilules 3 ou 4G…
Bien que doutant personnellement de la solidité des conclusions épidémiologiques s’attachant à retrouver un sur risque aux pilules EP contenant un progestatif de 3 ou 4 G (je déplore surtout que la posologie et la nature même de l’estrogène associé ne soient pas prises en considération par l’Agence Européenne), je ne peux que vous engager à respecter formellement les recommandations de nos Autorités.
La recommandation des Autorités:
La Ministre demande le 2 janvier 2013 à l’ANSM (et simultanément annonce le déremboursement des 3G) que «la pilule de 2e génération soit systématiquement privilégiée, sauf situations particulières ; les pilules de 3e et 4e génération ne doivent plus être proposées en premier choix».
Que vous pensiez que l’Agence ait raison ou non il convient de vous conformer à cette recommandation car gare aux risques médico – légaux en cas de plainte.
2e G: quelles sont les pilules concernées?
A noter : très récemment le norgestimate a «sauvé sa peau» au regard de l’ANSM.Ceci est à priori logique car cette molécule est considérée comme un métabolite du levonorgestrel (revue de presse Genesis 176).
Quels sont les risque estimés de TEV des 1e et 2e G?
Le risque thrombo embolique et artériel des pilules estro progestatives 1e et 2e G est à présent bien connu, et des médecins (s’ils l’avaient oublié) et sans doute des femmes.
Chiffres ANSM :
Ces risques sont à rapprocher du risque bien plus augmenté de TEV chez les femmes enceintes.
C’est l’occasion ici de rappeler quels sont les risques de thrombose artérielle ou veineuse des pilules EP.
Il nous appartient d’en faire la liste exhaustive pour chaque patiente lors de la première prescription mais aussi régulièrement ensuite.
– L’interrogatoire complet sur les antécédents médicaux personnels et familiaux de thrombose veineuse (par exemple maladie thromboembolique veineuse dans la fratrie ou chez les parents à un âge relativement jeune) ou artériel précoce
– Hypercholestérolémie familiale
– Post-partum immédiat (8 à 12 semaines)
– Est-elle ou non tabagique ?
– Est-elle normo tendue ou présente-t-elle une HTA ?
– Son âge
– Son IMC: Indice de Masse Corporelle > à 30 kg/m2 ?
– L’immobilisation prolongée, une intervention chirurgicale majeure, une opération des jambes ou un traumatisme majeur…
– La migraine, notamment avec aura (accompagnée de symptômes neurologiques focaux).
– Une valvulopathie
– Une fibrillation auriculaire
– LED et autres contre-indications médicales
– Drépanocytose
– Diabètes
– HyperLDLémie
Selon les cas la présence d’un facteur de risque grave (HTA) ou l’addition de 2 (ou plus) facteurs de risque – qui à eux seuls ne représentent pas une contre-indication – contribuent à poser une contre-indication formelle (exemple : tabagisme + âge > 35 ans).
Enfin, en vrac, quelques conseils…
• Les femmes qui ont arrêté depuis plusieurs mois une pilule de 2e ou 3e ou 4e G parfaitement tolérée auparavant pendant une première année de prise et pour lesquelles aucun facteur de risque n’est survenu entre temps peuvent reprendre leur pilule habituelle.
• Les femmes utilisatrices depuis une longue période d’un contraceptif oral de 3e ou 4e génération ne doivent pas changer de pilule. Si un facteur de risque apparait, le recours à une 2e génération n’est pas le bon réflexe : ne pas oublier que les 2e G peuvent, elles aussi, potentialiser un risque de TEV chez les femmes à risque. S’il y a risque avec une génération, il y a sensiblement le même risque avec une autre, eu égard aux différences faibles entre elles.
• Il faut rechercher les facteurs de thrombose chez les nouvelles utilisatrices et si on en retrouve il convient de proposer une autre contraception : soit hormonale (progestative pure), soit DIU.
• Cette recherche doit être faite à l’initiation mais aussi au fil du temps au cours des renouvellements successifs de la prescription.
• Il faut informer les femmes utilisatrices du risque exceptionnel de thrombose veineuse lorsqu’elles utilisent une pilule EP, quelle que soit la génération et que les consultations ont pour objectif, entre autres, de les mettre à l’abri au mieux de ce risque.
Il convient aussi de les informer quant aux signes cliniques évocateurs qui doivent les amener à consulter rapidement.
• Il faut penser à leur signaler que le risque de thrombose veineuse est majoré en cas d’immobilisations ponctuelles car les praticiens sollicités dans ce contexte ne pensent pas toujours à s’informer de la prise ou non d’un contraceptif estro progestatif (interventions chirurgicales, plâtres,…)
• Les contraceptifs estro progestatifs par voie cutanée et vaginale présentent les mêmes contre-indications et précautions d’emploi que les formes orales.
• En cas de mauvaise tolérance à quelques mois de l’initiation d’une première pilule de 2eG et quelles qu’en soient les raisons : (par exemple acné mais aussi mastodynies, rétention hydro sodée, réelle prise de poids… le praticien est alors parfaitement autorisé – s’il l’estime rationnel – à prescrire une pilule de 3e ou 4eG, alors en deuxième intention. Le pire est de ne pas avoir de contraception efficace.
• En cas de spottings et/ou métrorragies après avoir fait une recherche étiologique avec une pilule de 2eG au delà des premiers mois d’utilisation, on a le choix, soit de prescrire une 2e G comprenant plus d’EE (en faisant alors la balance bénéfices/risques de cette augmentation), soit de prescrire une pilule de 3e ou 4eG, soit de passer à un autre procédé contraceptif.
David Elia – Gynécologue, Paris
Article paru dans le Genesis N°177 (février/mars 2014)
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