Le rapport de la HAS de 2014 et les recommandations de l’International Menopause Society de 2013 ont précisé les conditions de prescription du THS qui permettent de limiter les risques.
L’arrêt de l’essai de la Women Health Initiative (WHI) en 2002 a marqué la chute des prescriptions du Traitement hormonal de la ménopause (THM). Les liens concernant le THM et le risque des cancers (cancer du sein essentiellement) ont contribué à inquiéter, après des campagnes médiatiques soulignant les risques, les médecins et les femmes.
Le rapport détaillé et la mise au point de la commission de transparence de la HAS (1) viennent de rappeler en 2014 les faits médicaux concernant les traitements de la ménopause et ont permis de maintenir le remboursement du THM. La recommandation essentielle est que le THM doit être prescrit comme traitement du syndrome climatérique à la dose minimale efficace et tant que durent les symptômes. Le traitement doit être réévalué au moins une fois par an en prenant en considération l’évolution possible du rapport bénéfice/risque individuel. Rappelons que dans l’enquête faite par le CSA-Boiron-Gemvi, 53% des femmes de 61 à 65 ans ont ressentis des bouffées de chaleur (cf site gemvi.org).
En France, les risques du THM peuvent être réduits si l’on respecte les 3 conditions ci dessous :
- Respect de la fenêtre d’intervention (traiter au mieux dans les 5 ans qui suivent la ménopause et avant 10 ans de ménopause) pour prévenir l’athérosclérose et éviter les accidents cardio-vasculaires.
- Utiliser de préférence les hormones bio-identiques (œstradiol 17 ß et Progestérone micronisée ou l’isomère de la progestérone : rétro-gestérone). En comparaison, les études nord-américaines avec l’utilisation de l’association estrogènes conjugués équins et MPA (médroxyprogestérone acétate) ont augmenté le risque de cancer du sein alors qu’en France et en Europe, les études E3N et EPIC n’ont pas montré d’augmentation du risque avec la progestérone micronisée.
- Appliquer l’estradiol par voie per-cutanée pour ne pas observer l’augmentation des risques thrombo-emboliques.
Malgré ces 3 points importants, la balance bénéfices-risques continue d’opposer certains épidémiologistes et certains cliniciens, comme en témoignent les articles publiés dans la Revue du Praticien en 2013 et 2014 (2-3-4). Aucun consensus officiel ne permet de soutenir l’intérêt du THM pour en particulier prévenir les plaques d’athéroscléroses et les fractures ostéoporotiques.
Qu’en est-il des recommandations internationales ?
L’International Menopause Society (IMS) a réuni à Paris en novembre 2012 les 7 principales sociétés savantes concernées par le THM. Un consensus international a pu ainsi être signé par l’International Menopause Society, l’Asia Pacific Menopause Federation, l’American Society for Reproductive Medicine, l’International Osteoporosis Foundation, l’European Menopause and Andropause Society, l’Endocrine Society et la North American Menopause Society (cf www.gemvi.org – actualités du Gemvi, Consensus international sur le THM, Juin 2013).
Ces recommandations internationales devraient permettre aux médecins de faire bénéficier les femmes d’un THM prescrit de manière appropriée. Nous les détaillons ci-dessous :
«IMS Consensus statement on Menopause Hormone Therapy. Endorsed by ASRM, APMF, EMAS , Endocrine Society, FIGO, IMS, IOF, NAMS» (5)
- Le THM est le traitement le plus efficace pour les bouffées de chaleurs post ménopausiques, quel que soit l’âge, mais les bénéfices l’emportent nettement sur les risques pour les femmes de moins de 60 ans ou dans les dix ans suivant la ménopause.
- Le THM est efficace et peut être indiqué dans la prévention des fractures ostéoporotiques chez les femmes à risque avant 60 ans ou dans les dix ans suivant la ménopause.
- Chez les femmes hystérectomisées, les estrogènes peuvent être prescrits seuls mais si l’utérus est en place, un progestatif doit leur être associé.
- Le traitement local, vaginal, par estrogènes à faible dose, est à préférer pour les femmes qui se plaignent uniquement de sécheresse vaginale et de dyspareunie.
- Les risques thromboemboliques et d’AVC augmentent avec les estrogènes par voie orale mais restent faibles avant 60 ans. Des études d’observation soulignent un moindre risque avec la voie transdermique.
- Le risque de cancer du sein chez les femmes de plus de 50 ans est un problème complexe. Le risque de cancer du sein est d’abord associé avec l’addition d’un progestatif aux estrogènes et lié à la durée d’utilisation. Le risque attribuable au THM est faible et diminue à l’arrêt du traitement.
- Les doses et la durée du traitement doivent être en accord avec les objectifs thérapeutiques, la sécurité et doivent être individualisés.
- L’utilisation de produits « bio identiques » n’est pas recommandée.
- L’état actuel des connaissances ne permet pas d’indiquer l’administration de THM aux femmes qui ont eu un cancer du sein. Les Traitements non hormonaux doivent être prescrits en première intention.
- Le THM n’augmente pas le risque des maladies coronariennes pour les femmes en bonne santé de moins de 60 ans ou dans les dix ans suivant la ménopause.
- Pour les femmes ayant une insuffisance ovarienne prématurée, le traitement systémique est recommandé au moins jusqu’à l’âge moyen habituel de la ménopause naturelle.
- L’option d’un THM doit être une décision individuelle fondée sur un objectif de qualité de vie et de bonne forme en tenant compte de facteurs de risque comme l’âge, la durée de la ménopause, les risques thromboemboliques, vasculaires (coronaropathie ou accident vasculaire cérébral (AVC) et de cancer du sein.
Les gynécologues Français peuvent s’estimer déçus par ces recommandations qui constituent une base minimale d’utilisation. Des études randomisées, d’observation et des méta-analyses ont montré que des doses habituelles d’estrogènes peuvent diminuer les maladies coronariennes et la mortalité toutes causes confondues pour les femmes traitées dans la fenêtre d’intervention.
Le THM à la Française ne sera pas considéré, sur le plan international, tant qu’une grande étude randomisée ne sera pas mise en place.
Gardons cependant notre réflexion médicale d’une prise en charge globale de la santé après la ménopause avec une meilleure gestion de l’alimentation, l’arrêt du tabac, une modération sur la consommation d’alcool et l‘encouragement à pratiquer de l’exercice physique.
Appliquons pour le THM la balance bénéfices-risques en individualisant les THM et en refusant l’application du principe de précaution à la médecine individuelle.
Patrice Lopès – Professeur des Universités ; Praticien Hospitalier au CHU de Nantes ; Président du GEMVI
RÉFÉRENCES
1. HAS. Commission de la Transparence. Réévaluation des traitements hormonaux de la ménopause. Rapport d’évaluation du 28/5/2014. Site HAS
2. Fournier A, Hill C. Médicaments et risques de cancer : l’exemple du THM. Rev Prat 2013 ; 63(8) :1117-1121
3. Lopes P au nom du GEMVI. THM : la balance penche en faveur des bénéfices. Rev Prat 2014. 64(2) :160-2
4. Hill C, Fournier A. THM : beaucoup d’incertitudes avant d’affirmer que la balance est en faveur des bénéfices. Rev Prat 2014. 64(2) :162-4
5. T. J. de Villiers , M. L. S. Gass, C. J. Haines, J. E. Hall, R. A. Lobo, D. D. Pierroz and M. Rees. Global Consensus Statement on menopause hormone therapy. Maturitas 2013 74(4) : 391-2
Article paru dans le Genesis N°185 (juin/juillet 2015)
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