Le traitement hormonal de la ménopause en minidoses est aussi efficace que les doses standards sur les troubles vasomoteurs et il peut prévenir la perte osseuse. On parle de minidoses pour une posologie quotidienne d’œstradiol de 0,75 mg en gel, 0,025 mg en patch ou 1mg par voie orale.
Grâce aux études et à la pédagogie de la pratique quotidienne, les modalités de prescription des Traitements Hormonaux de la Ménopause (THM) ont évolué avec le temps. Aujourd’hui, dans la grande majorité des cas et dans l’intérêt de nos patientes, on peut réduire les posologies d’estrogènes prescrites et faire appel à des minidoses permettant des THM mieux tolérés sans en compromettre l’efficacité.
On appellera minidoses ou faibles doses ou encore posologies modérées la moitié des posologies dites standard, soit une posologie quotidienne d’estradiol de 0,75 mg en gel, 0,025 mg en patch ou 1 mg par voie orale.
Quelles sont les recommandations des autorités de santé et des sociétés savantes concernant la dose à employer ?
En décembre 2003, l’Emea, agence européenne du médicament et l’Afssaps ont émis des recommandations encadrant l’emploi des THM. Ces recommandations sont régulièrement rappelées aux praticiens français, la dernière fois par l’HAS en Juillet 2014. La HAS a maintenu le service médical rendu (SMR) des traitements hormonaux des symptômes de la ménopause lorsqu’ils sont gênants au point d’altérer la qualité de vie de femmes. La HAS insiste sur la nécessité d’une prescription à dose minimale et pour une durée limitée, le traitement devant être réévalué au moins chaque année.
Les principales sociétés nationales de ménopause ont aussi émis et régulièrement mis à jour des recommandations concernant l’emploi du THM et il y a un consensus sur l’emploi de la dose minimale efficace. Lors de l’instauration d’un THM, les experts de l’International Menopause Society conseillent pour la voie orale : 0,50 à 1 mg/j, pour les patchs : 0,025 à 0,0375 mg/j et pour les gels : 0,50 mg/j (1). La North American Menopause Society (NAMS) préconise aussi l’emploi de doses inférieures aux doses dites standard, à savoir une posologie quotidienne de 0,3 mg d’œstrogènes conjugués, 0,25-0,50 mg d’estradiol par voie orale ou encore 0,025 mg d’œstradiol en patchs (2).
Les minidoses sont-elles efficaces sur les troubles vasomoteurs ?
En cas de troubles vasomoteurs gênants, le THM est le seul traitement permettant de les supprimer rapidement et totalement chez la grande majorité des femmes. Toutes les voies d’administration et formes galéniques (gels, patchs, comprimés) sont efficaces.
Concernant la voie orale, Notelovitz a comparé l’efficacité de différentes posologies d’estradiol sur les bouffées de chaleur et a constaté une efficacité significative dès 0,5 mg par jour (3). Comparant deux préparations estroprogestatives de la même gamme, Stevenson a retrouvé la même efficacité sur les troubles vasomoteurs pour la préparation contenant 1 mg d’œstradiol/jour et celle contenant 0,5 mg (4). Pour les œstrogènes conjugués équins, Utian a constaté une efficacité dès la posologie de 0,3 mg/j (5).
Concernant les patchs, Spéroff avait dès 1996 montré l’efficacité d’un patch délivrant 0,020 mg/j sur les bouffées de chaleur (6).
Dans une étude française ouverte coordonnée par David Elia (7), 1.465 femmes présentant des bouffées de chaleur ont reçu un traitement de départ par patch à 0,025 mg d’estradiol/j. Après 2 mois, 82% des femmes ont été soulagées et ont souhaité rester à cette posologie. Il n’a fallu augmenter la posologie et employer le patch à 0,050 mg/j que chez seulement 18% des femmes.
Dans cette étude, on a constaté que la symptomatologie de départ était semblable chez les femmes soulagées avec le patch 25 et chez celles qui avaient du recourir au patch 50. Autrement dit, l’intensité de la symptomatologie de départ ne permet pas de préjuger de la posologie à employer et on peut toujours instaurer un THM avec une minidose.
Les minidoses peuvent-elles prévenir la perte osseuse post-ménopausique ?
Le THM a fait la preuve de son efficacité sur la prévention de la perte osseuse post-ménopausique.
Toutes les voies d’administration sont efficaces : orale, percutanée (gels), transcutanée (patchs) (8). Jusqu’à la fin des années 90, les doses quotidiennes d’œstradiol réputées protectrices pour l’os étaient de 2 mg pour la voie orale et de 50 mcg pour la voie transcutanée.
Depuis, plusieurs études ont montré, avec de plus faibles doses d’œstrogènes, une prévention de la perte osseuse et un effet équivalent aux doses standard sur les troubles vasomoteurs. Ces études ont permis l’obtention de l’indication «prévention de l’ostéoporose chez les femmes ménopausées» ou «prévention de la perte osseuse post-ménopausique» dans l’AMM de produits dosés à 1 mg/j d’œstradiol par voie orale ou de patchs délivrant 25 mcg/j d’oestradiol (MENOREST® qui n’est plus commercialisé).
A distance de la ménopause, les doses d’œstrogènes permettant une prévention de la perte osseuse postménopausique semblent pouvoir encore être réduites.
Dans une étude de 3 années en double-aveugle contre placebo portant sur 167 femmes de 65 ans d’âge moyen, Prestwood a retrouvé une augmentation de la densité minérale osseuse sur tous les sites avec 0,25 mg d’œstradiol/j par voie orale (9). Aux Etats-Unis en 2004, après une étude portant sur 417 femmes de 60 à 80 ans, la FDA a accordé l’indication «prévention de l’ostéoporose post-ménopausique» à un patch délivrant 14 microgrammes d’œstradiol par jour (10). Cependant, l’effet des ces faibles doses à long terme et sur l’épargne fracturaire reste à étudier.
La dose minimale efficace évolue-t-elle avec le temps ?
La pertinence du THM et ses modalités, en particulier l’emploi de la dose minimale efficace, doivent être réévalués chaque année. On peut, chaque année, suspendre le traitement pendant un ou deux mois. Si les symptômes redeviennent gênants, on pourra reprendre le traitement chez une patiente informée et volontaire. On peut aussi réduire progressivement les doses et/ou la durée d’administration du traitement au cours du mois afin d’obtenir une réduction progressive.
L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Alain Tamborini – Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
A RETENIR :
Les minidoses sont aussi efficaces que les doses dites standards sur les troubles vasomoteurs et peuvent prévenir la perte osseuse post-ménopausique.
Ces minidoses peuvent être mieux tolérées et avoir un meilleur rapport bénéfices-risques que les doses standard même si elles n’ont pas fait l’objet d’études sur de longues durées (11).
En pratique, une posologie quotidienne d’œstradiol de 0,75 mg en gel, 0,025 mg en patch ou 1 mg par voie orale supprime les bouffées de chaleur chez 4 femmes sur 5, tout en préservant leur capital osseux.
SITES À CONSULTER
ansm.sante.fr – Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM)
has-sante.fr – Haute Autorité de Santé
menopauseafem.com – Association Française pour l’Etude de la Ménopause (AFEM)
imsociety.org – International Menopause Society (IMS)
menopause.org – North American Menopause Society (NAMS)
RÉFÉRENCES
1. Burger H, Archer D, Barlow D et al. Practical recommendantions for hormone replacement therapy in the peri- and postmenopause. Climacteric 2004;7:210-6
2. North American Menopause Society. Estrogen and progestogen use in peri- and postmenopausal women: March 2007 position of The North American Menopause Society. Menopause 2007;2:1-17
3. Notelovitz M, Lenihan JP, McDermott M et al. Initial 17 bêta estradiol dose for treating vasomotor symptoms.Obstet Gynecol 2000;5:726-31
4. Stevenson JC, Durand G, Kahler E et al. Oral ultra-low dose continuous combined hormone replacement therapy with 0.5 mg 17β-oestradiol and 2.5 mg dydrogesterone for the treatment of vasomotor symptoms: results from a double-blind, controlled study. Maturitas. 2010 ;3 :227-32
5. Utian WH1, Shoupe D, Bachmann G et al. Relief of vasomotor symptoms and vaginal atrophy with lower doses of conjugated equine estrogens and medroxyprogesterone acetate. Fertil Steril. 2001;6:1065-79
6. Speroff L, Whitcomb RW, Kempfert NJ et al. Efficacy and local tolerance of a lowdose, 7-day matrix estradiol transdermal system in the treatment of menopausal vasomotor symptoms. Obstet Gynecol. 1996;4 Pt 1:587-92
7. Elia D, Tamborini A, Leocmach Y et al. Efficacy and tolerability of a lowdose of Oesclim (25mcg daily) in the management of symptomatic menopausal women: a French openlabel study. Curr Med Res Opin 2000;16(2):94-106
8. Tamborini A, Ruiz JC. Current role of hormone replacement therapy in the prevention of postmenopausal osteoporosis: gynecologic point of view. Rev Med Interne. 2004;25 Suppl 5:S580-7
9. Prestwood KM, Kenry AM, Kleppinger A et al. Ultra-low dose micronized 17 bêta estradiol and bone density and bone metabolism in older women : a randomized controlled trial. JAMA 2003;290:1042-8
10. Ettinger B, Ensrud KE, Wallace R et al. Effects of ultralow-dose transdermal estradiol on bone mineral density: a randomized clinical trial. Obstet Gynecol. 200;104(3):443-51
11. Ettinger B. Rationale for use of lower estrogen doses for postmenopausal hormone therapy. Maturitas 2007;57:81-4
Article paru dans le Genesis N°185 (juin/juillet 2015)
Un commentaire