Le laser fractionné CO2 offre une solution thérapeutique chez les femmes ayant eu un cancer du sein et souffrant d’atrophie vulvo-vaginale. Son effet positif est perçu dès les premières semaines suivant la première application. Son utilisation est simple, ne nécessite aucune anesthésie, et est réalisable au cabinet du médecin.
Les femmes atteintes de cancer du sein sont le plus souvent en situation de carence estrogénique : par arrêt d’un THS en cours, par les effets le plus souvent définitifs d’une chimiothérapie avant la ménopause, en raison de l’hormonothérapie adjuvante (Tamoxifène, anti aromatases), par éventuelle décision d’ovariectomie. Ces femmes ont un risque 5 à 6 fois supérieur aux autres femmes de ressentir des symptômes gênants de carence estrogénique. Et ceci d’autant plus qu’elles sont jeunes (1, 2, 3,4). Les thérapeutiques disponibles pour cette population se sont jusqu’ici révélées peu efficaces en raison de l’impossibilité de leur proposer une hormonothérapie de substitution estro ou estro-progestative.
Le syndrome Genito urinaire
Le Syndrome Génito urinaire de la Ménopause (SGM) (5), anciennement désigné sous le terme d’Atrophie Vulvo Vaginale (AVV), est un ensemble de signes comprenant la dyspareunie (douleur pendant les rapports sexuels), la sécheresse vaginale, l’irritation – tous symptômes qui peuvent affecter la sexualité – les relations affectives et les activités banales de la vie quotidienne. Le SGM induit cliniquement des modifications des petites et grandes lèvres, du vestibule et de l’orifice vaginal, de l’urètre et de la vessie. Une étude (USA) (6) portant sur 30 146 femmes souffrant d’AVV permet de se faire une idée de l’incidence de ces symptômes : les plus communs sont la sécheresse (55% des participantes), la dyspareunie (44%) et l’irritation (37%). 59% des femmes concernées considèrent que cela a un impact négatif dans leur vie quotidienne. En outre, on retrouve ici une perturbation du sommeil, une diminution du bonheur de vivre en général, du tonus pour respectivement 24%, 23%, et 23% des participantes. Peu de femmes attribuent ces symptômes à la ménopause (24%) ou aux changements hormonaux (12%). Les solutions thérapeutiques du SGM sont peu nombreuses pour les femmes ayant eu un cancer du sein. Car l’administration d’estrogènes locaux est polémique dans cette population. «C’est le traitement le plus efficace pour traiter les symptômes modérés à sévères d’AVV… Mais les données sont insuffisantes pour confirmer la sécurité de l’estrogénothérapie locale chez les femmes atteintes d’un cancer du sein» (7). Quant au THM, il est strictement contre indiqué dans cette population. Parmi les solutions récentes, le laser fractionné CO2 offre des perspectives thérapeutiques très intéressantes. Nous aborderons dans un autre article les progrès induits par les infiltrations vaginales d’acide hyaluronique
(Desirial®) apahel.
Le laser fractionné CO2 (figure 1)
Figure 1- Le laser fractionné CO2 Monalisa® – Deka
Le laser fractionné CO2 se profile aujourd’hui comme une solution thérapeutique potentielle d’AVV. Les lasers CO2 fractionnés sont déjà connus et bien documentés pour leurs effets de stimulation collagénique et de remodelage dermique au niveau cutané (8, 9, 10, 11, 12, 13). L’idée d’en appliquer les effets à la muqueuse vaginale date de quelques années déjà.
Les modalités du traitement
Les patientes sont traitées avec la pièce à main spécifique gynécologique d’un laser ablatif CO2 fractionné 40W (SmartXide² V2LR – DEKA), sans anesthésie préalable. Il s’agit d’un dispositif médical, bénéficiant d’un marquage CE et de classe 2b.
Les paramètres utilisés (sur la base des études d’efficacité et d’innocuité immédiate menées ex-vivo) : puissance de 20 à 40W, temps d’impulsion de 1000 μs, espacement des micro-points de 1000 μm, stacking de 1 à 3. La pièce à main est introduite dans le vagin sans lubrifiant puis on procède au traitement à 360 degrés de toute la paroi vaginale (hors col utérin). Le cycle de traitements comprend 3 séances espacées de 4 semaines. Les rapports sexuels sont évités pendant 3 jours après chaque séance en raison d’une réaction inflammatoire de 48h.
Les critères d’efficacité, selon les études déjà publiées sont :
Les 5 items du score VHIS (Vaginal Health Index Score) : élasticité, volume des secrétions, le pH, l’intégrité épithéliale et l’hydratation. (Figures 2 et 3) Ces items sont côtés de 1 à 5 (AVV effective si < 15) à T0, T1, T2 et à T3. (Le pH est prélevé aux parois latérales du vagin).Figure 2 – Le Vaginal Health Index
- Autres données cliniques supplémentaires :
• Pâleur de la muqueuse (cotée de 0 à 3 ; 3=pâleur maximale)
• présence ou non des rides vaginaux (de 0 à 3 ; 3=présence normale des rides),
• diamètre de l’orifice vaginal - Sur l’atrophie de la muqueuse vaginale (morphologie des cellules épithéliales aux frottis vaginaux)
- Sur l’intensité des symptômes suivants : brûlures, vaginales, prurit vaginal, sécheresse vaginale, dyspareunie et dysurie sur une échelle visuelle analogique EVA
- Sur les scores de qualité de vie sexuelle (FSFI) de T0 à T3.
Comment ça marche ? Le Ground Matrix
La lamina propria (elle est située juste sous la muqueuse car il n’y a pas de sous-muqueuse) est constituée de tissu conjonctif riche en fibres collagènes et élastiques et en nombreux vaisseaux et lymphocytes. Ce tissu conjonctif «nourrit» la muqueuse vaginale et est indispensable à son architecture et à sa physiologie.
Afin de comprendre l’action du Laser fractionné CO2, il est important de se remémorer la physiologie de ce tissu conjonctif situé sous la muqueuse encore appelé Ground matrix.
Le Ground matrix est principalement constitué de macromolécules, appelées protéoglycanes, qui sont liées par des protéines spécifiques à de longues chaînes d’acide hyaluronique. Les protéoglycanes ont donc ainsi la capacité de retenir de grandes quantités d’eau. On comprend que le niveau d’hydratation de la lamina propria dépend de ces molécules. Les conditions physiologiques optimales de la muqueuse vaginale dépendent de la richesse en eau de la matrice extracellulaire et aussi de fibres collagènes bien structurées. La présence abondante de molécules d’eau entraine une perméabilité plus élevée qui, d’une part favorise le métabolisme de la muqueuse en termes d’apports de métabolites, de nutriments, etc. en provenance des capillaires, tandis que d’autre part que le drainage des déchets de substances est facilité vers les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Si le tissu conjonctif est pauvre ou ne contient pas beaucoup d’eau, la muqueuse ne recevra pas les éléments nutritifs nécessaires à son développement correct et à son hydratation physiologique.
Durant la ménopause ou tout état de carence estrogénique comme beaucoup de femmes ayant eu un cancer du sein (mais aussi une majorité de femmes ménopausées ne recevant pas d’estrogènes sous quelque forme que ce soit), les fibroblastes de la muqueuse vaginale sont «en repos métabolique» sous l’état de fibrocytes. Les fibrocytes sont incapables de produire activement l’acide hyaluronique et les autres molécules nécessaires la constitution d’un tissu conjonctif adéquat.
Il en résulte une muqueuse sèche, moins humide, moins vascularisée et donc plus fragile et plus vulnérable aux infections.
Un tissu conjonctif à faible teneur d’eau explique un transport plus difficile vers l’épithélium – à l’endroit même où les agents infectieux l’agressent – des éléments nutritifs et des défenses lymphocytaires en provenance des vaisseaux sanguins. Le traitement du Syndrome Génito urinaire cherche à rétablir et à promouvoir un métabolisme vaginal comparable à celui des femmes non carencées en estrogènes grâce au rétablissement de la synthèse, non seulement de collagène, mais aussi d’acide hyaluronique des glycos aminoglycanes et des protéoglycanes, permettant alors à la muqueuse vaginale de retrouver son hydratation, son architecture et toutes ses caractéristiques de tissu sain et jeune.
Actions du laser fractionné CO2
Le laser SmartXide a démontré sa capacité à activer fonctionnellement les fibroblastes de la muqueuse vaginale (observations microscopiques simples et électroniques). Les mécanismes biochimiques sous-jacents de ces phénomènes de régénération s’expliquent par l’effet thermique spécifique provoqué par l’irradiation. Les caractéristiques particulières d’émission du laser SmartXide (D-Pulse spécifique pour le traitement de la muqueuse vaginale) permettent à la charge de l’énergie d’être modulée, ce qui évite une action thermique localisée excessive.
Cette émission active, au sein des fibroblastes, une protéine spécifique de collagène, la Heat Shock Protein 47(HSP47). Les fibroblastes retrouvent ainsi leur activité fonctionnelle et leur capacité de synthèse du collagène. L’action du Laser CO2 peut donc se résumer en une réactivation des fibrocytes en fibroblastes fonctionnels.
Les résultats publiés à ce jour (Figures 4 et 5)
Figure 4 : Amélioration des symptômes d‘AVV (22)
et urinaires après 1, 2 et 3 séances de laser vaginal CO2 fractionné (Stefano Salvatore,A. Calligaro, Use of CO2 Laser Therapy Against Vaginal Atrophy, Vaginal Laxity and Urinary Incontinence. San Raffaele Hospital in Milan, Italy. University of Pavia, Italy (Doc interne Deka)
Des études ex-vivo (14) sur des échantillons de muqueuse vaginale (prélèvements lors de chirurgie de reconstruction du pelvis) ont montré des effets positifs du remodelage conjonctif après traitement par laser CO2 fractionné et ce, sans altération de la muqueuse. Une première étude (15) menée sur 92 femmes a montré l’efficacité à améliorer les symptômes d’AVV par injection de PRP associée à 3 séances de laser fractionné, associées à une rééducation périnéale. Sur ces bases, une première étude pilote (16) a été entreprise afin d’apprécier l’efficacité et la faisabilité de séances de laser CO2 fractionné pour traiter l’atrophie vaginale chez des patientes ménopausées. Cette étude de 12 semaines, incluant 15 femmes sexuellement actives et souffrant de dyspareunie par AVV, montre que l’intensité de la dyspareunie est significativement diminuée. (2,2 ± 1,0; p <0,001). Les autres symptômes d’AVV sont aussi sensiblement améliorés. On constate une amélioration significative de la qualité de vie (QV) et de la fonction sexuelle. Les auteurs concluent : «Le laser CO2 pourrait représenter l’occasion d’un traitement sûr et efficace chez les femmes souffrant d’AVV et présentant une contre-indication aux estrogènes».
Une deuxième étude (17) a ensuite montré, auprès de 50 femmes présentant une AVV, que le traitement par laser CO2 fractionné (SmartXide2 V2LR, Monalisa Touch, DEKA) induit une amélioration significative des items de différentes échelles de qualité de vie sexuelles validées chez 77 femmes ménopausées (âge moyen 60.6) présentant une AVV.
Une étude menée en 2013 (non encore publiée), menée à l’hôpital de San Marino (Italie) porte sur 120 femmes traitées (18) parmi lesquelles 15% avaient, avant traitement, des symptômes de ménopause iatrogènes après chimiothérapie et /ou radiothérapie pour cancer (78% pour cancer du sein). Seules 5 patientes /120 n’ont pas d’amélioration de leur symptômes. A la fin du traitement seules 12% n’étaient pas satisfaites ou espéraient plus d’amélioration. Parmi les femmes satisfaites 25,2%, 18,3%, 47,9% sont respectivement «très satisfaites», satisfaites, modérément satisfaites.
TROIS études récentes (2015) :
- Perino et col. (19) publient en 2015 une étude ayant porté sur 48 patientes ayant subi trois séances de laser vaginal CO2 fractionné. Les résultats montrent une différence significative pour les symptômes d’atrophie vulvo-vaginale suivants : sècheresse vaginale, brulures, irritations et dyspareunie ((P<0.0001)). Les niveaux du score vaginal (VHI de Bachmann) étaient significativement augmentés dès la première séance (P<0.0001). 91% des patientes s’estimaient satisfaites ou très satisfaites sur une échelle de qualité de vie validée. Aucun effet secondaire n’est relevé.
- Zerbinati et col. (20) ainsi que Stefano Salvatore et col. (21) étudient des échantillons de muqueuse vaginale de femmes post ménopausées non hormonalement traitées au microscope électronique montrent des modifications notables après laser fractionné CO2.
- Restauration des couches épithéliales de la muqueuse avec regain du stock de glycogène dans les cellules et à leur surface.
- Modifications du chorion : restauration des fibroblastes, du collagène, et des matrices extra fibrillaires, angiogenèse des papilles épithéliales.
En conclusion
Il s’agit d’une nouvelle technique capable de révolutionner l’abord thérapeutique des femmes ayant eu un cancer du sein et souffrant d’atrophie vulvo-vaginale. L’effet positif est perçu dès les premières semaines suivant la première application. D’exécution simple, elle ne nécessite aucune anesthésie, est réalisable au cabinet du médecin. Les preuves cliniques et paracliniques de son efficacité commencent à s’accumuler. Une petite révolution tranquille pour les femmes ayant une qualité de vie sexuelle sabotée par la carence estrogénique voire ayant cessé toute activité sexuelle.
David Elia – Gynécologue, Paris
RÉFÉRENCES
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Article paru dans le Genesis N°183 (mars/avril 2015)
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