La Women Initiative Study, l’étude à 1 milliard de dollars a fait couler beaucoup d’encre depuis 12 ans. Elle a terrorisé toute une génération de femmes et… de médecins. Aujourd’hui bien analysée, ses principales conclusions ne peuvent pas concerner les femmes de 50 ans qui abordent leur ménopause ,mais n’a t elle généré que des points négatifs ?
L’étude WHI fut en 2002 un véritable choc pour l’ensemble des gynécologues. Cette étude a été conçue à la fin des années 60 alors que ni les statines ni les bisphosphonates n’avaient vu le jour ou acquis leur statut de traitement préventif et/ou curatif des grandes pathologies de la post ménopause :
- les maladies coronariennes qui représentent 60% alors de la mortalité post ménopausique
- l’ostéoporose : 40% des femmes auront une fracture post ménopausique
Du fait du vieillissement de la population et des coûts engendrés par ces deux grands fléaux liés à l’âge et à la ménopause, une solution utilisable à large échelle semblait avoir été trouvée : le THM.
La WHI ,une étude de niveau 1
Le THM était une solution thérapeutique crédible : elle était réputée diminuer le risque coronarien de 50% et avec un effet préventif observé de perte osseuse post ménopausique, dans de nombreuses études observationnelles prospectives ou rétrospectives à large échelle. Restait donc avant d’en préconiser l’utilisation massive à en valider définitivement les résultats par une étude de niveau 1 : en double aveugle randomisée versus placebo. C’est ainsi que l’étude qui allait couter près d’un milliard de dollars fut initiée.
Deux études furent mise en place, non pas comme traitement du syndrome climatérique (les femmes ne devaient pas présenter de bouffées de chaleur à l’inclusion pour le double aveugle), mais comme traitement préventif des pathologies liées au vieillissement :
– la première compare chez des femmes ménopausées, les effets d’un placebo à un THM comprenant 0,625 mg d’estrogènes conjugués équins (ECE) associés à 2,5 mg de médroxyprogestérone acétate (MPA) chez les femmes non hystérectomisées
– l’autre, toujours en double aveugle versus placebo, utilisant 0,625 mg d’ECE seuls chez les femmes hystérectomisées.
On le sait ces deux études furent interrompues prématurément après un peu plus de 4 ans pour cause de rapport bénéfice risque défavorable.
L’étude ECE + MPA confirme bien un effet anti-fracturaire vertébral et fémoral mais objective une augmentation des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus du myocarde, des phlébites et embolies pulmonaires, des cancers du sein, et une diminution des cancers du côlon.
Dans l’étude ECE était bien confirmé un effet antifracturaire vertébral et fémoral mais au prix d’une augmentation des accidents vasculaires cérébraux, des phlébites et embolies pulmonaires. Dès lors le THM devint en quelques mois un traitement cloué au pilori mondial.
Les media, toujours à l’affut de «Bad News» s’emparèrent des résultats et les amplifièrent à l’infini en terrorisant les femmes et… les médecins.
Un branle bas de combat planétaire
On le sait : le retentissement en fût et reste considérable avec une baisse de plus de 70 % du nombre de femmes traitées, baisse qui se poursuit 12 ans après. C’est en cela que l’on peut parler de véritable désastre. Insistons sur le fait que ces résultats sont inattaquables du fait de la qualité de la méthodologie mais et c’est là que le bât blesse ces résultats ne valent que pour les traitements étudiés sur la population traitées, c’est-à-dire une population différente de celle à qui s’adresse le THM dans la vraie vie (femmes âgées de 63,5 ans en moyenne lors de l’initiation du traitement avec des facteurs de risque CV). Ce n’est pas l’étude qui est critiquable mais l’utilisation qui en a été faite. Il n’en reste pas moins qu’il serait erroné de jeter «le bébé avec l’eau du bain». Car la WHI nous a tout de même apporté une moisson de résultats authentiques utiles à l’avancée scientifique.
Des enseignements néanmoins positifs
C’est en ce sens que l’on peut y trouver des vertus bénéfiques :
– la «notion de fenêtre d’intervention» au niveau vasculaire. Si dans le groupe ECE + MPA on se focalise sur les femmes ménopausées depuis moins de 10 ans le sur-risque coronarien disparait.
Explication : les estrogènes oraux en augmentant les enzymes protéolytiques vasculaires matrix-métalloprotéinases et urokinases favorisent les fissurations de plaque d’athérome qui se sont formées du fait du temps de carence estrogénique. La preuve indirecte de ce fait se trouve dans l’étude HERS où en prévention secondaire on n’observe pas d’augmentation du risque coronarien en cas d’association ECE + MPA + statines connues pour leur pouvoir de stabilisation des plaques d’athérome.
– le rôle des progestatifs dans la thrombose artérielle puisque le sur-risque coronarien n’apparait pas en l’absence de progestatifs.
Explication : ces progestatifs induiraient une insulino résistance entrainant une augmentation du PAI 1 (inhibiteur du plasminogène) qui inhibe la fibrinolyse favorisant de ce fait l’extension du caillot.
– le rôle des progestatifs dans l’augmentation de l’incidence des cancers du sein puisque dans la branche ECE cette incidence est à la baisse y compris à distance.
L’étude observationnelle E3N confirmée par une autre étude observationnelle finlandaise ne trouve pas non plus d’augmentation de l’incidence des cancers du sein lorsqu’est associée non pas un progestatif mais de la progestérone ou de la rétroprogestérone, à l’estrogène.
Explication : l’insulino résistance est un promoteur des cancers du sein, comme trouvé dans la partie observationnelle de WHI. L’étude PEPI nous avait enseigné que les estrogènes seuls améliorent l’insulino sensibilité, que la progestérone n’altère pas l’insulino sensibilité estrogéno-induite alors que les (ou certains ?) progestatifs comme le MPA induisent une insulino-résistance liée à un effet glucocorticoïde et/ou androgénique.
– Les AVC sont indépendants de la fenêtre d’intervention et de la présence de progestatifs dans l’étude observationnelle britannique de Renoux. (BMJ 2010).
Le sur-risque d’AVC ne s’observe que sous estrogènes oraux et non sous estrogénothérapie transdermique.
– Enfin l’absence de plus en plus crédible de sur risque de TEV et embolie pulmonaire si l’estradiol est administré par voie non digestive alors que ce risque existe quel que soit la voie d’administration d’ECE ou d’éthinyl estradiol.
Les enseignements de la WHI n’étaient donc pas faux mais indument extrapolés.
En conclusion
Le désastre par cette étude a cependant stimulé la recherche et permit de modifier de manière bénéfique nos pratiques médicales :
– pas de THM en prévention secondaire et après 10 ans de ménopause
– après 50 ans choisir l’estradiol par voie non digestive,
– ne pas associer de progestatifs ni de progestérone chez les femmes hystérectomisées
– chez les femmes ayant un utérus, privilégier l’utilisation de la progestérone et de la rétro progestérone.
– nous pouvons désormais affirmer que le THM est le traitement de base de la prévention primaire de l’ostéoporose.
Christian Jamin – Paris
Article paru dans le Genesis N°179 (juin 2014)
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