Le rituel de l’examen gynécologique n’est plus ce qu’il était !

 

Cela fait longtemps, bien longtemps que je m’interroge sur ce sujet. Tout jeune gynécologue il m’arrivait de ne pas le pratiquer lorsque je le jugeais superflu ou inutilement intrusif : par exemple examen normal réalisé quelques jours ou semaines auparavant, IRM pelvienne récente consécutive à un premier examen clinique RAS, femme vierge, consultations itératives à quelques mois d’intervalle sans nouvel évènement clinique …etc.
Mais à cette époque j’avais vite subi les reproches de certaines patientes, considérant qu’une consultation gynécologique sans examen clinique était une consultation « au rabais » et que la paresse ou le manque de temps, voire l’incompétence m’avaient sans doute conduit à en faire l’impasse. Alors ensuite je me suis très longtemps astreint à le pratiquer systématiquement – même lorsqu’il n’était pas indiqué – tout en restant alors persuadé de son inutilité mais en comprenant que la confiance de mes patientes dépendait souvent de ce rituel obligatoire. Je me souviens aussi d’une « passe d’armes musclée » en plein congrès où – orateur – je me suis vu qualifié de « criminel » par un collègue très influent de l’époque lorsque j’affirmais que la demande de contraception d’une jeune fille vierge ne devait à priori, au grand jamais, s’accompagner d’un examen clinique. Les temps ont changé, et nos patientes aussi ! Elles comprennent maintenant le plus souvent que cet acte n’est pas toujours obligatoire, voire même s’il était motivé qu’elles pourraient être en droit – faute d’avoir donné leur accord-de l’interpréter comme un geste illégitime, intrusif à leur intimité. J’avoue humblement que jamais, pendant longtemps, je n’ai demandé cet accord, me contenant d’un « je vais vous examiner » qui me semblait couler de source.

Oui en quelques décades les temps ont changé : si un examen clinique se révèle nécessaire pour avancer, il convient définitivement d’en obtenir en amont l’accord verbal explicite. Puis, s’il a lieu d’en expliquer les raisons et la finalité quant aux différents gestes effectués (spéculum, TV, seins). Certaines répondront NON à la question et alors, même si ce refus (en fait très rare) vous semble incongru et complexifie de fait la consultation, et il ne pas forcer d’autorité et tenter de trouver une alternative. A ce titre j’ai été particulièrement ému par le témoignage d’Adeline, jeune étudiante (*) posté sur le Huffington Post à l’occasion d’une consultation pour suspicion d’endométriose : « J’écris ce billet parce que je veux que tout le monde ait conscience que le droit de dire non, c’est partout et pour tout le monde…… au début (ndlr : de la consultation) tout se passe bien, rien de dingue, des questions sur ce que je fais dans la vie, mes études, puis la phrase fatale : “On va faire une échographie par voie basse maintenant”. Alerte rouge dans ma tête…
Ce n’était pas prévu. Je n’ai pas envie de passer cet examen. J’ai 0,00001 seconde pour réfléchir… mais en fait, ce n’était pas une question. C’était une affirmation, aucune porte ouverte qui interrogerait mon consentement sur cet examen. C’est comme ça, et puis c’est tout ! Le pouvoir de la blouse blanche l’a emporté sur ce que moi je voulais vraiment » … J’ai beaucoup pleuré l’après-midi et le soir. Juste savoir que vous pouvez dire NON peut être rassurant et réconfortant dans le fait de dire « oui, j’accepte de passer cet examen ».
Alors, avant de pratiquer n’importe quel geste, fut-il 1000 % légitime, souvenons-nous d’Adeline T. et n’oublions jamais de poser la question : « êtes-vous d’accord pour que je pratique un examen ? » C’est simple
et il en va du respect que nous leur devons… absolument !

 

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article.

Dr David ELIA, rédacteur en chef

https://www.huffingtonpost.fr/entry/je-nai-pas-ose-refuser-un-examen-gynecologiqueet-je-comprends-aujourdhui-que-jen-avais-le-droit_fr_5ce55cdde4b09b23e65c0551