La conservation des ovocytes est aujourd’hui bien au point et prévue par la législation. Elle permet surtout de mettre à l’abri des ovocytes avant un traitement potentiellement toxique: chimiothérapie, radiothérapie ou chirurgie : la congélation du cortex ovarien est la technique privilégiée.
L’objectif principal de l’autoconservation de ses propres gamètes est de vouloir préserver la fertilité d’un homme ou d’une femme. Depuis les années 70, on sait conserver les spermatozoïdes pour ensuite les utiliser de façon différée. Cette conservation permet de contourner les effets délétères sur la fertilité masculine de certains traitements indispensables. Elle autorise aussi le don gratuit et anonyme de spermatozoïdes à des couples souffrant d’infertilité masculine inaccessible à l’ICSI.
Quand l’autoconservation de sperme n’est pas possible, notamment pour les enfants pré pubères, on peut proposer une autoconservation de tissu testiculaire, sachant que pour l’instant chez l’homme il n’y a pas de technique permettant de réutiliser le tissu testiculaire cryoconservé.
La vitrification des ovocytes, maintenant bien au point, fait naitre les mêmes espoirs chez la femme ; on peut mettre à l’abri ses ovocytes avant chimiothérapie, radiothérapie ou chirurgie, on peut aussi constituer un stock d’ovocytes destinés à un usage personnel en vue d’une grossesse future. A moyen terme, on peut aussi espérer de ces autoconservations un excédent d’ovocytes destinés au don. Qu’il s’agisse de préserver la fertilité en amont d’un traitement potentiellement iatrogène, ou de conserver ses ovocytes dans un contexte d’infertilité avérée ou potentielle, de magnifiques progrès sont désormais à notre portée.
Préserver la fertilité féminine avant un traitement potentiellement gonadotoxique
L’efficacité actuelle des traitements par radiothérapie et/ou chimiothérapie permet de guérir ou d’augmenter considérablement l’espérance de vie d’enfants et d’adultes jeunes atteints de pathologies néoplasiques.
Chez la femme en âge de procréer et atteinte d’un cancer, la préservation de la fertilité peut se faire de trois façons : cryopreservation d’ovocytes, cryopreservation d’embryons, congélation de cortex ovarien. Les deux premières techniques imposent une voir plusieurs hyperstimulations ovariennes souvent impossibles dans l’urgence ou même contre indiquées si le cancer est hormonodépendant. De plus, les chances de succès sont faibles compte-tenu du faible nombre d’ovocytes ou d’embryons obtenus. La cryoconservation des embryons n’est par ailleurs possible que si la femme a un conjoint.
La congélation ovarienne
Actuellement la technique qui permet de préserver au mieux la fertilité pour les petites filles, les adolescentes et les jeunes femmes en âge de procréer, devant recevoir un traitement gonadotoxique à très fort risque de stérilité, est la congélation de cortex ovarien.
Les traitements conditionnant pour greffe de moelle osseuse (souvent à base de Busulfan) sont ceux qui entrainent les taux les plus élevés de ménopause précoce par une destruction irréversible de la totalité de la réserve ovarienne, et ce quel que soit l’âge de la patiente.
La cryoconservation de cortex ovarien ne nécessite ni stimulation ovarienne, ni prélèvement de sperme.
Elle est par conséquent l’option de choix pour préserver la fertilité féminine dans ce contexte. Elle peut être aussi proposée en cas de pathologie hormonodépendante ou lorsque la mise en œuvre du traitement potentiellement gonadotoxique ne peut être différée.
«La cryoconservation du cortex ovarien est l’option de choix pour stocker un grand nombre de follicules.»
Cette technique constitue une approche très prometteuse de préservation de la fertilité féminine, car elle permet de stocker à long terme un grand nombre de follicules primordiaux et primaires. Ces follicules ne possèdent pas d’antrum, leurs ovocytes sont immatures au niveau nucléaire (bloqués en prophase I de méiose) et cytoplasmique, éléments qui leur confèrent une plus grande résistance au processus de congélation décongélation.
Cette même technique de cryoconservation de cortex ovarien peut être proposée dans certaines pathologies constitutionnelles diagnostiquées pendant l’enfance et s’accompagnant d’insuffisance ovarienne prématurée au cours du développement (syndrome de Turner).
• Technique du prélèvement : le tissu ovarien est généralement prélevé par ovariectomie unilatérale sous cœlioscopie, acte chirurgical simple à faible risque opératoire. Le prélèvement est effectué soit de façon isolée, soit à l’occasion d’un autre geste chirurgical nécessité par la prise en charge de la pathologie de la patiente. Dans ce dernier cas, le prélèvement ovarien n’augmente pas la pénibilité de l’intervention.
La technique de cryoconservation est codifiée depuis de nombreuses années. Elle fait en général appel à la congélation lente de fragments de corticale ovarienne.
• La législation : en France, depuis le 06 août 2004, la loi n°2004-800 (Article L2141-11) prévoit que la pratique de l’autoconservation du tissu germinal puisse être effectuée dans des centres agréés par l’Agence de la Biomédecine (ABM) (décret du 22 décembre 2006).
Plusieurs milliers de patientes au monde, se sont vues proposer et ont eu une autoconservation de leur tissu ovarien. En ce qui concerne la France, le rapport annuel 2011 de l’ABM sur les activités au 31 décembre 2010 répertorie 1 296 cryoconservations de tissu ovarien (dont 235 pour la seule année 2010).
• L’autogreffe nécessaire : l’obtention d’ovocytes fécondables à partir de fragments de cortex ovarien cryoconservé ne peut se faire que par la maturation des ovocytes présents au niveau des follicules primordiaux, primaires et préantraux ayant résisté au processus de congélation décongélation.
Si des travaux de recherche visent à développer les techniques de maturation in vitro de ces follicules immatures, l’autogreffe du cortex ovarien conservé est actuellement la seule technique permettant de restaurer une fonction. Le cortex ovarien conservé peut être greffé après décongélation, à la demande d’une patiente en âge de procréer, guérie de sa pathologie initiale, qui désire une grossesse alors que sa fonction gonadique est irrémédiablement altérée. Elle peut aussi être proposée pour favoriser une puberté naturelle en cas d’insuffisance ovarienne pré pubertaire.
La greffe peut être effectuée en site orthotopique ou hétérotopique. La greffe est dite orthotopique lorsque le cortex ovarien est réimplanté dans la cavité pelvienne, au niveau de l’ovaire restant ou du péritoine de la fossette ovarienne. La greffe est dite hétérotopique quand le tissu ovarien est regreffé dans un autre endroit, en général en tissu sous-cutané.
Les premières greffes de cortex ovarien ont été rapportées en 2000 et 2001. Ces travaux ont permis de montrer une reprise du développement folliculaire avec ou sans stimulation ovarienne. Le premier embryon humain a été obtenu in vitro en 2004 après une greffe hétérotopique de tissu ovarien en sous-cutané, mais le développement de l’embryon s’est arrêté après son transfert dans la cavité utérine. La première naissance a été rapportée en 2004 par l’équipe de Donnez après greffe orthotopique. Actuellement, 16 cas de naissances ont été publiés, toutes obtenues après greffe orthotopique de tissu ovarien, suivie ou non d’une technique d’AMP.
• Les limites de l’autogreffe : l’autogreffe n’est possible que si l’indication de la cryoconservation d’ovaire est une pathologie non néoplasique ou une pathologie maligne à faible risque de localisation métastatique ovarienne. Pour l’instant il n’y a pas de technique codifiée permettant d’évaluer la maladie résiduelle. Dix des seize naissances publiées ont été obtenues chez des patientes où l’indication d’autoconservation de tissu ovarien était une pathologie néoplasique, à risque théorique considéré comme faible de réintroduction de cellules cancéreuses par l’autogreffe de tissu ovarien. En France, l’ABM référençait dans son bilan 2008, 9 autogreffes de tissu ovarien et dans son rapport 2010, deux naissances françaises (Besançon et Limoge) obtenues dans des cas de pathologies non néoplasiques : drépanocytose homozygote et periartérite noueuse.
Préserver la fertilité féminine hors indication médicale
C’est ce que certains appellent la préservation ovocytaire sociétale, même s’il ne s’agit pas d’un «problème de société». L’idée est venue de pouvoir proposer aux femmes la mise en réserve de leurs jeunes ovocytes dans le but de préserver leur potentiel pour plus tard. Ce serait une façon de répondre aux besoins de celles qui souhaitent décaler dans le temps leur grossesse sans s’exposer à l’épuisement physiologique inéluctable du capital folliculaire.
En France, le phénomène existe, plus marqué chez les femmes diplômées de l’enseignement supérieur et/ou vivant au sud de la Loire. Le débat est en cours, les questions posées sont multiples. Le collège national de gynécologie obstétrique a donné un avis favorable récemment et l’on attend maintenant la position du conseil national d’éthique.
Parmi les arguments contre, les plus cités sont les risques relatifs aux grossesses tardives, les problèmes d’organisation et de financement, les dangers de l’hyperstimulation itérative et des ponctions ovariennes, la possibilité de l’échec irréversible et donc du regret d’avoir lâché la proie pour l’ombre.
Parmi les arguments en faveur, sont mis en avance le respect de l’autonomie de chacun, la constatation d’une situation de fait que l’ on ne peut qu’ accompagner, l’intérêt d’un traitement préventif de l’infertilité de la quarantaine puisque celui-ci est en pratique déjà pris en charge au risque de fausses couches, d’anomalies chromosomiques ou au prix d’un don d’ovocytes étrangers.
Si l’avis favorable donné par le collège national de gynécologie obstétrique devait emporter la conviction de ceux qui nous gouvernent, il faudrait alors envisager les organisations pratiques et répondre aux très nombreuses questions suivantes :
– A partir de quel âge et jusqu’ à quel âge cette auto préservation serait-elle autorisée ?
– Qui prendrait en charge le coût de la ou les stimulations, la ou les ponctions, les frais de mise en banque, la décongélation, la fécondation, la réimplantation ?
– Jusqu’à quel âge et sous quelles réserves (état de santé de la mère et du père) serait-on autorisé (et par qui) à récupérer ses propres ovocytes?
– Quel pourrait être le sort des ovocytes prélevés ? Réservés en totalité ou seulement en partie à la patiente ? Redonnés ou revendus à autrui ? Avec ou sans autorisation de la patiente ?
Préserver les ovocytes dans un contexte d’infertilité nécessitant une fécondation in vitro
Cette indication, encore peu reconnue, devrait se développer et venir se substituer à la congélation embryonnaire.
Ainsi, les délicates questions éthiques qui s’y rattachent seraient évitées. Peut-être aussi ces ovocytes surnuméraires conservés seraient ils ensuite disponibles pour d’autres lorsque le projet de grossesse serait réalisé.
A ce titre, il y a certainement une place pour l’auto préservation ovocytaire chez les femmes très jeunes souffrant d’endométriose ovarienne. Elle reste encore à définir.
La maladie mais aussi les traitements chirurgicaux abiment l’ovaire et font chuter la réserve ovarienne. Il n’est pas exclu qu’une conservation ovocytaire par stimulation dès lors qu’un endométriome serait diagnostiqué et dans un premier temps simplement évacué soit la bonne stratégie pour prévenir une infertilité potentielle.
Conclusion
Préserver la fertilité féminine devient techniquement possible, soit par la conservation de tissu ovarien, soit par la conservation des ovocytes eux-mêmes. Il faut connaître ces progrès et les intégrer sans tarder au raisonnement médical pour les proposer à celles qui en ont besoin avec rigueur, compassion et réalisme.
Loïc Marpeau – Service GynObstet, CHU Charles Nicolle, Rouen
RÉFÉRENCES
1. Donhorp W, De Wert G, Pennings G, Shenfield F. Ovocytes cryopreservation for age-related fertility loss. Hum Reprod 2012;27:1231-2123
2. Hirshfeld-cytron J, Grobman WA, Milad MP. Fertility preservation for social indications: a cost based decision analysis. Fertil Steril 2012;97:665-670
3. Marpeau L, Autoconservation des gamètes pour convenance personnelle. La lettre du gynécologue 2012;375:6
Article paru dans le Genesis N°178 (avril 2014)
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